Phallus et fonction phallique
janvier 2007
THÉORIE
Les mots et la chose. Isabelle Morin
« Les mots et la Chose » s’ouvre sur une interrogation dialectique dont les termes sont deux versions possibles de l’humanisation : qu’est-ce qui est premier, des mots ou de la Chose, du réel ou du symbolique ? La réponse d’I. Morin est condensée dans sa déclinaison du célèbre énoncé freudien (« Wo es war, soll ich werden ») sous la forme « Là où était la Chose, tu peux savoir », à condition de donner un certain statut à ce savoir, qu’elle déplie au fil d’un développement reprenant pas à pas l’abord, toujours difficilement saisissable, de la Chose freudienne.
« Là où c’était (la Chose), Scilicet ?Il y a deux versions possibles de l’humanisation. Elles ne sont pas exclusives mais elles méritent sans doute d’être dialectisées. La première dirait qu’au commencement était la Chose, puis vinrent les mots. La seconde considérerait que tout a commencé avec les mots qui ont fait exister la Chose. Ces deux versions répondent à deux élaborations différentes de la constitution du sujet. Une qui fait prévaloir l’objet « […] [Extrait de l’article]
L’évidement du savoir et le style de l’inconscient. Luz Zapata-Reinert
« L’évidement du savoir et le style de l’inconscient » aborde cette question fondamentale, depuis Freud : « Comment s’enseigne la psychanalyse ? » – qui semble paradoxale si l’on considère que la psychanalyse produit, de structure, une opération de soustraction dans le savoir. A partir de cette opération d’évidement, par laquelle naît un sujet, L.Zapata Reinert nous introduit à ce qu’articule Lacan de l’acte et du style de l’analyste.
« Comment s’enseigne la psychanalyse aujourd’hui ? Répondre à cette question suppose d’affronter au moins deux paradoxes que je vais essayer de présenter en les mettant en perspective avec mon propre parcours dans la psychanalyse et dans l’enseignement ». [Extrait de l’article]
L’Oblativité : premières controverses. Christine Ragoucy
Dans « L’Oblativité », C.Ragoucy dégage les grands axes des controverses dont ce concept a fait l’objet, depuis son invention en 1926, en France, puis montre que la critique qu’en fait Lacan (en 1938) a une portée qui dépasse l’argument historique, en ce qu’elle annonce son retour à Freud et sa théorie langagière de l’inconscient.
« Généralement, quand on mentionne les critiques de Lacan sur l’oblativité, on fait référence aux débats de Lacan et de la génération de l’après-guerre des psychanalystes de la Société Psychanalytique de Paris, autour de la question de la relation d’objet. Les coordonnées en sont posées en 1958 dans “La direction de la cure” quand Lacan établit de façon définitive le statut de cette notion dans la psychanalyse : l’oblativité est une des modalités de la relation d’objet, celle mise en jeu dans le fantasme de l’obsessionnel pour escamoter son désir. Les dernières références importantes à l’oblativité chez Lacan datent de 1964. »[Extrait de l’article]
Du Signe… à la Lettre vivante. Yamina Guelouet
« Du Signe…à la Lettre vivante » est une conception du trajet qui s’opère du début à la fin d’une analyse, trajet qui reviendrait, dit Y. Gelouet, à celui qu’a accompli le sujet dans les conditions initiales où son désir a émergé : quand l’enfant adresse un appel au père, et qu’il reçoit de lui le Signe du nom propre, parole d’amour, qui lui ouvre la voie au désir via la castration de la mère. Le Signe, au terme de ce trajet, est transmuté dans l’inconscient en Lettre vivante (Y. Gelouet précisant, d’après Freud, en quoi consiste cette lettre) qui est aussi ce qui s’incarne au terme d’une analyse.
« Le titre évoque un trajet entre deux moments, celui où un Signe apparaît, et l’autre où il s’écrit. C’est un Signe porteur d’amour, qui traverse une cure, non sans remous, et accompagne l’être parlant, qui comme corps vivant sexué se trouve pris dans des impasses que le langage, de structure, lui impose. L’être parlant, en toute ignorance, orienté par un réel, celui de la jouissance de l’être, poursuit un dessein, celui de l’atteindre pour réaliser le rapport sexuel. C’est le syntagme que Lacan introduit pour désigner la jouissance absolue que vise cet être ».[Extrait de l’article]
LA STRUCTURE
Phallus et fonction phallique. Pierre Bruno
« Phallus et fonction phallique » inaugure les synthèses de grands concepts théoriques, proposées par PSYCHANALYSE. Ce n°8 en présente la première partie, situant les temps forts de l’élaboration freudienne, du « fait-pipi » du petit Hans au « primat du phallus », sur lequel Freud n’a jamais cédé. Au-delà des repères connus, sont mis au jour de « vrais diamants », issus de textes inattendus, qui préfigurent le statut du phallus chez Lacan et sa conception de la sexuation, que P.Bruno condense ainsi : « l’échec du langage, c’est le destin».
« La revue PSYCHANALYSE n’est pas une revue à thème, mais elle est articulée en parties. Nous avons décidé d’introduire, sous la dénomination “La structure”, une nouvelle partie. Il s’agit de proposer, à chaque numéro, l’inventaire d’une catégorie (je ne dis pas concept pour tenir compte de la critique du concept dans le dernier enseignement de Lacan). Les catégories sont les différents items ayant trait à l’état civil de l’étant. Sur la carte d’identité de l’étant, Aristote a imprimé dix rubriques : substance (ousia), quantité, lieu, etc. Dans les catégories de Freud et de Lacan, il n’est pas impropre de substituer d’autres rubriques qui se rapportent au parlêtre et non à l’étant en général : phallus, symptôme, Nom-du-Père, Autre, etc. Nous avons choisi de commencer par le phallus, et la fonction phallique. Nous vous invitons donc à la visite du chantier, que nous sommes quatre à mettre en train : Fabienne Guillen, Dimitris Sakellariou, Marie-Jean Sauret et moi-même.
Sans originalité, nous avons distingué : 1) Freud, 2) après Freud et avant Lacan, 3) Lacan, 4) après Lacan. Dans ce numéro, nous traiterons les parties 1 et 2, mais d’ores et déjà seront indiqués les points que nous avons cru pouvoir retenir concernant les parties 3 et 4. Dans le prochain numéro, nous développerons ces parties, sachant que ce développement aura des effets rétroactifs d’ajustement sur ce qui est présenté dans ces deux premières parties, avant la carte finale. Enfin il s’agit d’un savoir, et le style dans lequel celui-ci est exposé ne saurait être indifférent. Nous avons tenu compte de quatre considérations : le savoir est à prendre, non à apprendre ; la psychanalyse est, en tant qu’expérience, intransmissible ; l’exigence d’un savoir lisible et questionnable fait partie de l’éthique de la psychanalyse ; l’exigence d’un exposé symptomal, c’est-à-dire qui n’efface pas mais au contraire relève les points de butée, les évolutions, les ruptures, voire les contradictions, de ceux qui ont construit ce savoir. »[Extrait de l’article]
La querelle du phallus. Fabienne Guillen
LE CAS
« Saudade » ou la jeune homosexuelle. Thérèse Charrier
« Saudade ou la jeune homosexuelle» amène au célèbre cas de Freud de nouvelles clés de lecture, portées par la biographie de cette même Sidonie Csillag, parue en 2003. Partant du « C’est à cause de ma mère » qu’elle y énonce, T. Charrier articule différentes versions logiques du thème du « désistement », introduit par Freud.
« “Comment se fait-il que je sois devenue ainsi ? ” se demande Sidonie Csillag à la fin de sa vie.Le contact d’une main, un mouvement du corps avaient pu l’exciter bien plus que les zones du corps sur lesquelles tout le monde orientait impérieusement le plaisir. Comme elle trouvait horrible l’endroit sombre et la “chose” menaçante entre les jambes des hommes ! combien angoissante, bien qu’un peu mieux quand même, la plage humide chez les femmes ! combien repoussante une langue dans sa bouche ! Quand enfin ça finissait par réussir, avec ses amours, c’était déjà terminé. Comment se fait-il que je sois devenue ainsi ? C’est “à cause de ma mère… toutes les femmes étaient des ennemies pour elle… Et seule, cette beauté, celle de ma mère, la mienne et celle de beaucoup de femmes m’a émue et a déclenché en moi de très violents sentiments ; j’ai toujours été amoureuse de la beauté ; une belle femme est toujours une jouissance pour moi, il en sera ainsi jusqu’à la fin de ma vie.”[Extrait de l’article]
L’âme. Patricia León -Lopez
Dans « L’âme », P. León-López ouvre une perspective, féminine en quelque sorte, dans la lecture du cas de Dora, en y déployant les différents termes du rapport qu’entretient la femme (hystérique) avec l’âme : la position de la « belle âme », la question sur « l’être femme », l’amour de l’âme que Lacan écrit « elle âme l’âme ».
« Pourquoi Dora ? Au début du dernier chapitre de la Psychopathologie de la vie quotidienne, Freud s’interroge sur ce qui a pu le déterminer a choisir le prénom de “Dora” pour la publication de ce “Fragment d’une analyse d’hystérie”. Ce prénom était le prénom familièrement donné à une gouvernante au service de sa sœur Rosa. La prétendue Dora s’appelait en réalité, elle aussi, Rosa et ne pouvait conserver le même prénom que la maîtresse de maison. D’où la substitution, que Freud apprit par hasard, un soir où il se trouvait chez sa sœur, et qu’il déplora. »[Extrait de l’article]
LA PASSE
Le souci du passant. Panos Papatheodorou
« Le souci du passant » et « Une frontière enfin possible » sont deux textes sur la passe : l’un est une élaboration de P. Papatheodorou sur ce qui est en jeu dans le temps logique où le passant choisit de faire la passe ; l’autre est un témoignage, où Mariane Lateule nous rend sensibles à la fois ce choix du moment, lié à des événements singuliers, et les effets de la passe, dont le « enfin possible » prend valeur universelle.
« Il s’agit de mon texte d’intervention tel qu’il a été prononcé au colloque “La passe de Lacan et l’expérience psychanalytique” tenu à Athènes le 3 juin 2006. Tout d’abord, je tiens à expliquer le titre de cette intervention. Le mot “souci” qui est de toute façon un signifiant, est une traduction de “μέλημα” dérivé du verbe “μέλει” qui, en grec ancien, est impersonnel et signifie s’occuper de quelqu’un ou de quelque chose, et plus précisément en prendre soin. Par conséquent, la question est de savoir quel est l’objet de cet acte. “Un signifiant représente, comme nous le savons, le sujet pour un autre signifiant.” Un signifiant, choisi parmi d’autres pour me représenter, va de pair avec d’autres signifiants. Je prends alors le signifiant souci de ce topos qui s’ouvre entre le sérieux et l’attente, tel qu’il a été posé par Kierkegaard et ensuite par Lacan dans son séminaire sur l’Angoisse ».[Extrait de l’article ]
Une frontière enfin possible. Marianne Lateule
« Le souci du passant » et « Une frontière enfin possible » sont deux textes sur la passe : l’un est une élaboration de P. Papathéodorou sur ce qui est en jeu dans le temps logique où le passant choisit de faire la passe ; l’autre est un témoignage, où Mariane Lateule nous rend sensibles à la fois ce choix du moment, lié à des événements singuliers, et les effets de la passe, dont le « enfin possible » prend valeur universelle.
« Dans l’après coup de la crise institutionnelle à l’ECF et la création de l’APJL, la porte de la passe s’est ouverte ; restait à en franchir le seuil. L’offre de la passe n’était plus demandée, voire commandée par l’Autre, ce grand Autre qu’incarnait pour moi l’École. C’est au contraire, causé par un désir qui pouvait se passer d’une reconnaissance, que cette possibilité est advenue. Mais un pas de plus s’avérait nécessaire. Ce pas s’est présentée lors de deux évènements de séparation : une séparation réelle sous la forme d’un deuil, et une séparation symbolique touchant le couple mère-enfant. La sortie de la cure m’avait surprise en même temps qu’elle s’imposait. »[Extrait de l’article]
L’ESSAI
Nostalgie du Père « grandiose » dans L’utopie de Thomas Moore. Jean-Bernard Paturet
« Nostalgie du Père grandiose dans L’Utopie de Thomas More » constitue un essai sur l’utopie, qui repose sur deux piliers : le premier, contre une conception de l’utopie comme retour au maternel, la définit comme nostalgie d’un père grandiose, protecteur et tout-puissant ; le deuxième présente ce père d’amour, (l’Utopus de Thomas more) comme la forme inversée du père de la horde (l’Urvater de Freud), ces deux faces d’une même figure ayant des conséquences qui conduisent J.B. Paturet à une réflexion sur la fin de l’histoire.
« Réfléchissant sur L’Utopie, la plupart des commentateurs y ont vu le retour à un monde maternel caractérisé par l’absence de père. Ainsi Jean Servier dans son livre L’Utopie écrit : “Le communisme utopien tend à écarter l’image du père en la remplaçant par la cité maternelle pourvoyeuse, seule capable de satisfaire tous les besoins”. L’Utopie serait alors un retour à Big Mother pour reprendre le titre du livre de Michel Schneider et signifierait ainsi, l’effort de la culture pour surmonter le traumatisme de la naissance et exprimerait selon le mot de Ferenczi “le désir de régression thalassale et de retour à l’océan abandonné dans les temps anciens”. Elle serait le retour à la Mère Primordiale, matrice de toutes les régénérations et de toutes les renaissances. Nombreux sont d’ailleurs, les termes qui fondent cette interprétation matricielle de l’Utopie et tout particulièrement le thème de l’île et de l’eau. »[Extrait de l’article]
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