Paroles imposées, catharsis, logique collective, décoinçage
septembre 2012
LE SAVOIR DU PSYCHANALYSTE
Le sourire d’une femme. Une cure et sa conclusion. Marie-Claire Terrier.
« Je suis comme mon père, je n’ai pas eu de mère », énoncé que je m’entends dire dans la question que me pose alors l’analyste, « vous n’avez pas eu de mère ? », ce dès la première ou deuxième séance. Aujourd’hui encore je n’en reviens pas de l’avoir dit. Mais où donc ai-je été cherché ça, qui est un pur mensonge et que j’énonce là avec conviction, comme une vérité ? Ce sera le fil rouge tout au long de mon analyse jusqu’à ce que je le coupe. Dire particulièrement énigmatique où, à cet instant, à mon insu, un savoir que je ne sais pas me présentifie l’objet a que je suis dans mon fantasme, une enfant qui n’a pas eu de mère…
Paroles imposées. Bibiana Morales
La leçon du séminaire Le sinthome du mardi 17 février 1976 est dédiée à la question des paroles imposées, à partir de l’enseignement d’une des présentations de malades. Le vendredi 13 février 1976 eut lieu la présentation qui a permis à Lacan de parler des paroles imposées, dans le cadre du séminaire sur Joyce. Il s’agit donc d’un enseignement qui nous apprend la manière dont Lacan se laissait enseigner par le sujet. Lacan met en rapport cette présentation et ce séminaire sur Joyce sous la forme d’une suite logique entre l’une et l’autre…
La catharsis : une pérégrination consentie. Patricia León
La mise en place de la réalité de l »inconscient par le théâtre est une expérience de dévoilement. Le théâtre, au-delà d’un message à déchiffrer, nous fait vivre par une décantation de plans, par un détournement inscrit dans la forme qui lui est propre, la confrontation avec l’énigme de notre désir. Franchir cette limite pour toucher ce point où le désir se révèle comme réponse aux limites que le réel impose au sens, c’est traverser la zone de l’entre deux morts et cerner l’éthique de la psychanalyse.
Mots-clés : Catharsis, dévoilement, entre deux, désir, errance
LA PASSE
Quelques questions à partir de l’expérience de passeur à l’APJL. Bénédicte d’Yvoire
Pour entendre le témoignage du passant, il est nécessaire de mettre en veilleuse sa subjectivité. Mais faire l’expérience d’être passeur eut des effets subjectifs importants. Il ne m’a donc pas été très facile de trouver le registre juste pour en rendre compte. Je m’intéresserai d’abord à la fonction de la passe, ensuite à certains de ses effets…
LA LOGIQUE COLLECTIVE
Logique : du subjectif au collectif ? Élisabeth Rigal
L’Association de psychanalyse Jacques Lacan a inscrit « la logique collective » comme un des thèmes de ses prochaines assises sur le savoir du psychanalyste. Je pose l’hypothèse en me référant à Jacques Lacan que le collectif n’est pas le groupe. Le groupe a fait l’objet d’un certain nombre de travaux, il est décrit dans ses caractéristiques, son fonctionnement, ses effets. Dans « Le temps logique et l’assertion de certitude anticipée 1 », Jacques Lacan mentionne pour la première fois (1945) l’expression de logique collective. Ce texte montre d’évidence qu’il situe la question du collectif comme primordiale par rapport à celle du groupe…
Logique collective ? Un rapport véridique au réel. Thérèse Charrier
Qu’est-ce qu’on entend par logique collective ? L’utilisation de cette référence à Lacan devenant confuse pour moi, je suis retournée aux textes. L’expression « logique collective » n’apparaît que deux fois dans son œuvre, dans deux textes publiés dans l’après-guerre …
Logique collective et fonctionnement. Brigitte Gallot-Lavallée
Pour traiter la question de la logique collective, je proposerai de reconsidérer encore et encore le fonctionnement et de retenir au titre de fonctionnement les trois inventions actuelles de la psychanalyse – et seulement elles : la cure, la passe et le cartel ; à l’exclusion donc de l’association, des séminaires et autres assemblées. Si je ne retiens que ces trois, c’est à partir de l’interprétation que je fais du fameux énoncé de Lacan, en tant qu’il est prononcé dans le temps de la dissolution, dans le temps de l’acte, dans le temps où il se sépare des personnes, mais où il est prêt à reprendre du fonctionnement avec ceux qui le voudront : « Je n’attends rien des personnes et quelque chose du fonctionnement » ….
Ou l’incomplétude, ou l’inconsistance. Jacques Podlejski
L’histoire du mouvement analytique, depuis l’excommunication de Lacan puis la dissolution de son école, m’a souvent fait penser à l’histoire politique des Balkans et à l’éclatement récent de la Fédération yougoslave, avec ses épurations et ses sécessions, dans une analogie où mobilisation transférentielle et revendication de légitimité doctrinale tiendraient lieu de référence linguistique, ethnique ou religieuse. Mais c’est une nouvelle, tombée au début du mois de décembre 2011, qui m’y a ramené. En effet, un important accord diplomatique a été alors conclu sous l’égide de l’Union européenne entre Serbes et Kosovars. Aux termes de cet accord, il est convenu que des représentants des deux parties géreront ensemble les points de passage entre leurs territoires respectifs. Le point d’achoppement tenait au fait que, la Serbie ne reconnaissant pas le Kosovo comme entité indépendante, elle ne peut pas non plus reconnaître l’existence de frontières avec des territoires qu’elle considère internes à elle-même…..
THÉORIE
Contiguïté des jouissances et travail de l’inconscient. Nicolas Guérin.
Je compte aujourd’hui organiser un ensemble d’interrogations et de remarques centrées sur la première question de l’argument rédigé par Pierre Bruno, Sophie Duportail et Laure Thibaudeau et diffusé sur les listes électroniques de l’APJL le 6 décembre 2011 : y a-t-il une jouissance primaire en deçà de la jouissance phallique ? Je me suis d’emblée demandé d’où venait cette question. Pourquoi est-elle posée (elle n’était pas mentionnée lors de la préparation des Assises I) ? Mais aussi quelles en sont les conséquences cliniques et pratiques ? Je laisserai pour le moment en suspens ce dernier point sur la clinique et la pratique. Cette question donc sur le rapport entre une jouissance phallique et une jouissance non phallique se noue à d’autres problématiques citées dans l’argument susdit, comme celle du rapport de subordination ou la disparité entre le sinthome et le Nom -du- Père, ou encore ….
La douleur dénomme. Jacques Marblé
« Comme l’a dit un philosophe pour lequel j’ai le plus grand respect, la terminologie est le moment poétique de la pensée 1. » Agamben exprime ainsi son admiration pour un philosophe inconnu et pour la terminologie. Ensemble des termes propres à une science, la terminologie est proche de la nomination, qui consiste à donner un nom : elle lui succède en l’occurrence quand il s’agit de faire corpus scientifique. La psychanalyse en tant que nouvelle science a inventé ses noms avant de constituer sa terminologie. La douleur remet particulièrement en question cette articulation, elle l’actualise même au cas par cas lorsque chaque douleur physique oblige le sujet qui en souffre à inventer …
QUESTION(S)
Secousses passionnelles sur les rives du sevrage maternel.Luminitza Claude pierre Tigirlas
Trois lettres de son prénom en plus d’un gène isolé de son sang et voilà qu’Eduardo Kac expose son œuvre – sa progéniture ou son double végétal ? – qu’il appelle Edunia. Le gène de l’artiste américain du bio-art produit une protéine exclusivement dans le réseau veineux d’un pétunia qu’il a subvertie afin d’obtenir une nouvelle forme de vie. Quels mots accompagnent le geste d’Eduardo Kac de concevoir un être qu’on dirait à la fois fleur et humain ? Quelle serait sa portée symbolique ? L’association courante entre la recherche par génie génétique et la monstruosité l’amène à mettre en exergue le fait que certaines séquences du génome humain proviennent de virus ou de bactéries. Conclure que l’homme est transgénique autorise Eduardo Kac à affirmer que « les monstres, c’est nous ». Il prône aussi une poésie hors métaphore….
UNE PSYCHANALYSE ?
Une psychanalyse n’est pas un autoportrait. Isabelle Morin
Une psychanalyse est possible quand l’analysant ne dit plus à son analyste comment il se voit, ni comment il imagine qu’on le voit : « Je suis comme ci » ou « je suis comme ça », ou encore « on dit que je suis comme ceci ou comme cela ». On entend certains analysants annoncer comme programme à leur début « je veux être en accord avec moi-même » ou « je veux être moi ». Pour ne pas les décourager d’emblée, nous nous abstenons parfois de leur faire remarquer qu’être en accord avec « moi-même » est impossible parce que je ne suis pas moi. Le processus analytique nécessite que l’analysant repère qu’il n’est pas celui qu’il croyait être, qu’il n’est pas non plus celui dont il parle parce qu’il y a ….
EXTÉRIEURS
Décoinçage. Pierre Bruno
Il est peu probable que la psychanalyse soit élastique au point de fournir le scaphandre qui conviendrait pour protéger la civilisation (Kultur dans la langue de Freud) de son malaise. Pour annoncer la couleur, disons plutôt qu’il s’agit de faire de ce malaise un symptôme, non pour l’éradiquer, mais pour s’en saisir comme d’un vecteur capable de transformer le passé, afin d’émanciper le présent de la dette incluse dans le fait d’avoir commencé à parler. Le symptôme, dès lors qu’interprété, ne disparaît pas, il devient insurrectionnel. Pour poser efficacement ce qu’il en est de ce recours, nous pouvons partir de ce que trois ancêtres, tout à fait méconnus, de Freud, Paul de Tarse, François de Sales et Fénelon, ont énoncé sous l’expression « supposition impossible » : que Dieu existe et qu’il me maudisse même (et surtout ?) si je me voue à l’aimer absolument. Ces trois audacieux ne reculent pas devant cette éventualité, moins impossible donc qu’il n’est dit, en répondant par un : je l’aimerais quand même. Ce « quand même » résonne chez Freud dans la seule injonction reconnue par l’analyste s’adressant à l’analysant : « Dites quand même. » Ce « quand même » en effet…
Y ETU ?
« Le jour où je suis né,
ma vie changea du tout au tout. »
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