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PSYCHANALYSE N°14

Du père réel

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janvier 2009

THÉORIE

L’hystérie, masculine. Balbino Bautista

Malgré les coups tordus des lobbies pharmaceutiques internationaux et l’idéologie anglo-saxonne de l’homme économique qui rêve de réduire à rien la pratique psychanalytique, l’actualité de l’hystérie ne se dément pas si l’hystérie reste ce qu’elle est depuis qu’on sait la reconnaître, une objection majeure à ce qui peut s’entendre comme « perversion ordinaire », soit l’effet même de ce que Jacques Lacan désigne sous le nom de « structure du sujet ». En tant que discours, l’hystérie oscille entre science et religion, art et révolution. Qu’elle fasse valoir le  » sujet » est un fait, un « dire » qui autorisera qu’on réexamine avec Lacan la condition qu’elle pose à l’advenue du « Discours de l’Analyste ». Freud échoue là où Lacan passera. C’est en se faisant « analysant » qu’on dégagera ici les coordonnées de cette problématique.

Les deux rêves de Dora : « Y a le feu au lac ! » Alain Lacombe

Les dernières lignes de l’exposé du cas, nous rappelle A. Lacombe, sont consacrées, par Freud, à mentionner un point de sa propre insatisfaction (ne pas avoir débarrassé plus radicalement Dora de son mal), et à souligner un élément d’opposition entre les deux rêves de Dora (retour vers le père pour le premier, détachement du père pour le second). Relisant ces deux rêves, A. Lacombe opère, de manière singulière, à partir d’une distinction entre « réalisation de désir » (comme réalisation d’un sens, au lieu de l’Autre, avec ce que cela comporte de reste, non réalisé) et « accomplissement de désir » (qui s’en tiendrait à la dimension de l’acte, du côté du sujet). Cet angle de la réalisation, et son versant de non réalisé, ouvre des perspectives nouvelles, notamment sur la répétition du rêve dans la cure, sur la question de Dora telle qu’elle ne cesse de la poser (avec ce petit point d’interrogation sur lequel nous interpelle l’auteur, ultérieurement ajouté par Dora à un énoncé du deuxième rêve), enfin, sur la dimension de la hâte, reliée par l’auteur au « pas d’acte sexuel », au refus du deux du couple, au statut de l’angoisse dans le second rêve, celui dont Freud, précisément, n’a pas pu réaliser l’interprétation. Ce balayage inédit, qui trace comme un nuage de points entre les éléments connus des deux rêves de Dora, s’achève sur l’hypothèse d’un nouage entre la question, non élucidée, du désir que le second rêve réalise, et l’insatisfaction de Freud.

Explorer ce système de nulle part… Sophie Mendelsohn 

La topologie dans l’enseignement de Lacan dans la décennie soixante-dix est plus qu’un support métaphorique, elle devient « un dire de structure », dit S. Mendelsohn.
Pour que la topologie puisse toucher au réel dont elle se motive alors pour Lacan, elle s’oriente sur le dire comme ce qui fait événement de structure, et qui en constitue le réel.
Elle cite Érik Porge (2008), qui considère la coupure comme étant une opération qui concerne conjointement l’inconscient et l’analyste et dont il fait précisément un des fondements de la clinique psychanalytique. Si le signifiant est coupure, alors ce que l’on entend par sujet de l’inconscient en est affecté, puisque si l’abord de l’inconscient structuré comme un langage est modifié, il reste que le sujet de l’inconscient est sujet du signifiant – mais du signifiant comme coupure. Comment l’analyste se trouve-t-il inclus dans le réel de l’inconscient? En effet, si l’interprétation se produit en fonction de l’équivoque qui se réalise du fait de l’équivalence matérielle du signifiant, alors « ce qui s’écoute » existe du fait du tranchement. Ainsi adossée à la coupure dont la topologie permet la « réélisation », la théorie psychanalytique se rend en quelque sorte étrangère à la connaissance pour devenir un moment du devenir du sujet de l’inconscient. Plutôt que d’un savoir référentiel, toujours susceptible de reconvoquer les idéaux qu’il aura peut-être commencé par écarter, il s’agirait donc d’un savoir textuel au sens où l’on a vu Lacan parler de matérialité du signifiant : c’est de la trame du texte dont on parle ici, qui produit moins du sens que des effets de sens, tissant on ne sait quelle surprise équivoquante.

Tot : la mort du père, à la lettre. Freud lecteur de Dostoïevski. Sandra Beosin

L’auteur revient sur l’essai « Dostoïevski et la mise à mort du père » (« Dostoïevski und die Vatertötung ») afin d’interroger son inscription dans la lettre et l’œuvre freudienne. La construction réalisée par Freud, dans cette introduction au roman Les frères Karamazov, autour de la racine « tot », conduit à la rapprocher de deux autres textes que sont Totem et tabou et L’homme Moïse et le monothéisme. L’examen de ce travail de nomination du psychisme nous enseigne sur la conception freudienne du renoncement au religieux. 

Fabriquer la femme qui n’existe pas. Catherine Bruno

A partir du constat, révélé par les mythes antiques, que les hommes ont toujours cherché à fabriquer « La femme qui n’existe pas », C. Bruno explore– faisant se répondre la littérature fantastique, et certains textes de Freud – le désir présidant au rêve d’une femme artificielle. Première découverte, la perfection féminine se réalise, pour l’homme, dans une femme morte ; deuxième dimension, la poupée vient incarner le lien au double ; « la femme artificielle est donc une figure de la femme morte, mais en tant que double qui ne jouit pas ». Tirant les conséquences du trait de la virginité marquant la femme artificielle, C.Bruno sépare finement deux figures que l’on pourrait confondre, d’un côté celle de la femme morte du fantasme masculin qui a pour fonction de contourner la castration, de l’autre celle de la femme (bien vivante) qui apporte la mort et introduit à la castration. De même, elle souligne la différence fondamentale entre la poupée gonflable, pur objet sexuel, et la real doll, partenaire de vie idéale mais inapte au sexe, dont le nombre croissant de propriétaires soulève une question de société, qui n’est pas sans activer dans l’actualité un sentiment d’inquiétante étrangeté.

LE CAS

Une névrose sans symptôme ? Isabelle Morin

Hélène Deutsch présente un cas qu’elle nomme hystérie de destinée, comme contribution au diagnostic d’une nouvelle forme d’hystérie. Elle considère en effet ce cas comme une hystérie « qui ne présente pas de symptôme ». Or il n’y a pas plus de sujet sans symptôme que d’humain sans colonne vertébrale. L’analyse de ce cas montre à quel point H Deutsch reste prise dans le diagnostic de Freud la concernant, qui ne portait pas sur un sujet sans symptôme, mais sur « l’absence de symptôme », que l’analyse n’avait pas permis de faire émerger. Relire H Deutsch, quelques décennies plus tard, nous permet de mesurer ce que nous a apporté l’enseignement de Lacan quand il ouvre la voie d’une direction de cure qui ne tente pas une quelconque pacification par le Nom-Du-Père, mais au contraire qui vise un réel à travers le symptôme. 

LA PASSE 

L’ignorance entre pensée et passe. Panos Papatheodorou

La question de l’entrée en analyse se pose dans l’après coup du témoignage de Passe. Il s’agit d’un témoignage personnel sur le moment du choix qui conduit à s’adresser au dispositif de la passe, traitant la question de l’entrée en analyse à travers l’ignorance et l’oubli. Un rêve d’angoisse sert de fil conducteur pour marquer l’ignorance constitutive de l’entrée en analyse. Cette ignorance, comme passion de l’être, prend un autre biais qui ouvre la voie vers le désir de l’analyste à partir du moment où il y a rencontre avec le réel de la jouissance. Les fragments de savoir qui ont constitué des points cruciaux dans l’expérience du témoignage renvoient à cette ignorance qui précéda l’entrée en analyse. Ce qui change est le rapport de la jouissance à la vérité.

FREUD 

Hystérie

Il s’agit de la traduction d’un article sur l’hystérie paru à Vienne en 1888 dans un manuel de médecine, le Handwörterbuch der gesamten Medizin, édité sous la direction du Docteur A. Villaret. Freud avait alors 32 ans. Ce texte témoigne du moment où Freud passe de la neurologie à la psychanalyse. Le traitement cathartique y est décrit et attribué à Breuer. Des éléments du travail différenciant les paralysies organiques et hystériques, publié en 1893, apparaissent dans des termes identiques. Le terme « inconscient » apparaît dans son acception psychanalytique.

EXTÉRIEURS

L’hétéronymie de Fernando Pessoa. « Personne et tant d’êtres à la fois ». Filomena Iooss

« L’hétéronymie de Fernando Pessoa » présente le grand intérêt de nous plonger dans l’œuvre de « cet énigmatique poète portugais », tout en révélant combien les problématiques émergeant de ses textes (« le Moi, la Conscience, la Solitude ») croisent celles de notre champ. Dans ce balancement entre poésie et psychanalyse, l’auteure nous rend vivant le surgissement des hétéronymes principaux de Pessoa, qu’elle propose de lire comme tentative, paradoxale, de recherche par le poète de son unité perdue, après un « effondrement subjectif » survenu dans son histoire. De même, F. Iooss lie des fragments de textes érotiques et amoureux, énoncés sous la plume d’hétéronymes (dont un féminin), à des questions relevant de la subjectivité du poète lui-même, telles que la frigidité masculine, la négation de l’amour, l’homosexualité, ou le genre neutre (ni homme ni femme) « qui fait certainement fantasmer Pessoa en tant que solution au tragique né de la différence des sexes ».

Le corps n’est pas ce que l’on croit. Pierre Bruno

L’auteur distingue “j’ai un corps” et “je suis un corps” pour aborder l’œuvre du vidéaste portugais Vasco Araujo et particulièrement sa pièce “Far de donna”. A partir de “je suis un corps” en effet, le rapport au corps ne se réduit plus à l’image du corps, mais appréhende celui-ci sans faire l’impasse ni sur les objets qui ne le déterminent qu’en étant prélevés sur lui, notamment la voix et le regard, ni sur sa dimension temporelle qui commence, avant la naissance, dans le mystérieux désir des parents, et se poursuit après la mort dans le rituel de la sépulture.


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PSYCHANALYSE N°13

 Le discours hystérique. Le père et ses noms. Sur Gödel

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septembre 2008

THÉORIE

, La, La. Pierre Bruno

L’exploration du Pacifique s’est faite d’est en ouest. Il aurait fallu en effet, pour parcourir cet océan en partant de l’ouest, toucher et traverser la muraille de l’Amérique. C’est l’histoire des explorateurs marins qui a fixé cette orientation puisque, par ailleurs, les habitants des terres du Pacifique connaissaient celui-ci depuis toujours. Urvater ou la déesse blanche ?Le caractère contestable et contesté des thèses …

Un petit détour par la phobie au seuil de l’adolescence. Frédérique Berger

La phobie a toujours suscité l’intérêt de la psychanalyse et fait l’objet d’élaborations et de remaniements théoriques soulignant ses dimensions de pluralité et de complexité. Selon la psychanalyse, la phobie est présente dans les différentes structures cliniques et fait preuve d’un renversement particulier, car l’angoisse qui est à son origine devient elle-même un symptôme central, soulignant la dimension… 

LE CAS

Le futile préoccupant. Thérèse Charrier

Au hasard d’une enquête sur le vieillissement chez les femmes, Inès Rieder et Diana Voigt ont rencontré une vieille dame de 90 ans qui s’est dévoilée comme étant la jeune homosexuelle du texte de Freud. Elles l’ont entendue pendant deux ans et ont écrit sa biographie sous un faux nom, pour respecter sa volonté d’anonymat : Sidonie Csillag, homosexuelle chez Freud, lesbienne dans le siècle. Vers la… 

LA PASSE

La passe dé-passée. Correspondance. Roseline Coridian, Martine Noël

Psychanalyse a proposé à une analyste nommée analyste de l’École il y a une quinzaine d’années dans l’École de la Cause freudienne, Roseline Coridian, et à une analyste nommée récemment analyste de l’École dans l’Association de psychanalyse Jacques Lacan, Martine Noël, d’entrer en correspondance pour un échange sur leurs expériences respectives de la passe et de la nomination. C’est cet échange dont….

LA STRUCTURE 

Père et Nom(s)-du-Père (2ème partie)

Dans la période allant de 1913 à 1920, qui appartient encore à la première topique, Freud continue à déplier les différents versants de ce qu’il appelle déjà « le complexe paternel », non sans manifester sa division à l’égard de ce terme « commode » introduit par Jung, que Freud lui-même utilise largement, tout en dénonçant les abus et les imprécisions liés à son emploi. À Pfister, en 1910, il écrit…

EXTÉRIEURS I

L’autoportrait en regard de la psychanalyse. Lecture du livre de Pierre Cassou-Noguès, Les démons de Gödel. Pierre Macherey

Les deux livres que Pierre Cassou-Noguès a publiés en 2007, Une histoire de machines, de vampires et de fous et Les démons de Gödel (logique et folie), constituent, on a de sérieuses raisons de le penser, les éléments d’un diptyque. Sans doute relèvent-ils de genres très différents : le premier est un essai de philosophie-fiction, une démarche que l’on pourrait situer dans le sillage de Matrix et des…

Réponse à Pierre Macherey. Pierre Cassou-Noguès

Les démons de Gödel entendent d’abord donner une sorte de portrait, un portrait qui associe des éléments personnels à la logique et aux recherches philosophiques de Gödel. Il s’agit de présenter le personnage mais aussi, en quelque sorte, d’entrer dans le monde dans lequel il vivait. Il s’agit, pour le dire autrement, d’essayer de passer d’une vue extérieure sur le personnage – une vue comme une photographie,…

EXTÉRIEURS II

Far de donna. Vasco Araujo 

Vasco Araujo présentera son travail de vidéaste au Jeu de Paume à Paris à la fin du mois d’octobre 2008. Sur les origines de ce travail, il dit : « Une analyse psychologique de l’être humain, de son existence, de ce qu’il doit faire. Le texte s’inspire à la fois des Dialogues avec Leuco de Pavese, mais aussi d’une analyse psychologie du Moi et de l’Autre ; moi et ma mère, moi et mon père… D’où le…


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PSYCHANALYSE N°12

Le père chez Freud

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 mai 2008

THÉORIE

L’invention de la fin. Pierre Bruno

Ce titre indique une thèse, à savoir que ce qu’on appelle « fin » d’une psychanalyse (je retiens le terme de « fin » dans l’acception désormais courante qu’il a dans le texte princeps de Freud, « Analyse avec fin et analyse sans fin » [1937]) est le résultat d’une invention. Comme toute invention (invention du feu, du cinéma, de l’avion…), elle peut se perfectionner, ou plutôt, pour ne pas utiliser un terme à connotation finaliste ou moralisante, elle évolue. Je n’entends pas proposer l’histoire de cette invention. À vrai dire, une invention, même si elle peut se faire en plusieurs étapes, est intrinsèquement discontinue. Il y a un ou des « avant » et un ou des « après ». Ce que je voudrais en revanche souligner est que la découverte de l’inconscient, aussi extraordinaire soit-elle, est menacée en permanence d’un recouvrement, d’une dénaturation, tant qu’elle n’est pas fondée après coup par l’invention de la fin. Sans cette invention, le concept d’inconscient reste vulnérable et perméable à toutes sortes de falsifications, comme, par exemple, celle qui a fleuri du vivant de Freud, sa dégradation en subconscient.

« La vraie bévue de Freud ». Un os dans la théière de Winnicott. Florence Briolais

La tendance de tout ce qui vit à retourner au repos du monde anorganique domine la vie psychique et la vie en général. Repérée cliniquement sous sa forme d’« éternel retour du même » dans les rêves des névrosés de guerre, les jeux d’enfants, la névrose de transfert et les névroses de destinée, cette tendance est ce qui motive Sigmund Freud, en 1920 dans son article « Au-delà du principe de plaisir », à affirmer « sa croyance en l’existence de la pulsion de mort ». Donald Woods Winnicott (1896-1971), médecin pédiatre et président à deux reprises de la Société britannique de psychanalyse, est celui qui, en 1952, dans une de ses « lettres vives », se situe radicalement contre ce concept freudien de « pulsion de mort ». Pour lui, « les pulsions de vie et de mort sont peut-être la vraie bévue de Freud 3 ». Et il commente ainsi son point de vue : « Ce concept a été introduit par Freud parce qu’il n’avait pas la moindre notion de la pulsion amoureuse primaire » Dans un souci progressiste et positiviste, Winnicott va rejeter le concept freudien et méconnaître son véritable enjeu, tel que Freud l’avait saisi dans cet au-delà du principe de plaisir ; il en fait une bévue. L’enjeu de notre article est donc de revisiter cette conception winnicottienne de pulsion amoureuse primaire.

Virginia Wolf entre maladie et l’écriture. Bibiana Morales 

« Ai-je le pouvoir de rendre la véritable réalité ? Ou écris-je des essais sur moi-même ? » Est la question que se pose Virginia Woolf. Elle interroge ce lien inextricable entre sa maladie et l’écriture de ses romans, qui parfois sont très proches de ses « visions » et du réel de l’hallucination. Comment se servir de la folie pour faire de l’art ? En tant que romancière, elle voulait transmettre du sens esthétique et non du délire. C’est dans les moments de maladie qu’elle trouvait la naissance et la suite de ses romans, donnés par ses visions. Sa création consistait à faire passer ce qu’elle avait de plus particulier, sa folie, dans une fiction accessible au lecteur. Virginia Woolf croyait à l’écriture comme thérapie. Écrire était pour elle faire passer le mal par écrit. Mais son écriture ne la protégeait pas des effets mortifères de chacune de ses crises, et elle ne l’a pas empêchée non plus de se suicider. Chaque livre et surtout chaque publication l’amenaient au franchissement de ses limites. L’écrivain allait au-delà d’elle-même en signant, avec sa création, son entrée dans la psychose. Lacan appelle ce franchissement « le drame subjectif du savant ». Il est le coût subjectif de l’invention où l’inventeur est victime des limites par la création. Quelle est la création de Virginia Woolf ? Si l’écriture fonctionnait comme suppléance pour Virginia Woolf, paradoxalement elle conduisait aussi à une impasse. 

Freud le médium (Notes sur l’affaire de la télépathie). Mickaël Turnheim 

En lisant les textes de Freud sur la télépathie, on est frappé par une rhétorique étrange : d’une part, exigence de la « plus stricte impartialité », d’autre part, signes nets à la fois de fascination et de dégoût. Les lettres à Ferenczi montrent que la question ne le lâche pas. À Eitingon, il écrit que l’occulte, comme le débat Bacon- Shakespeare, le « fait chaque fois perdre contenance ». Tout en affirmant que l’intérêt pour la télépathie relève d’un désir de se retirer de la rationalité (« tentations du principe de plaisir »), Freud pense que l’acceptation de son existence réveille, tout comme la psychanalyse, des résistances (« prétention au savoir des gens instruits ») qu’on devrait surmonter courageusement. Le refus, inhabituel chez Freud, d’assumer la responsabilité de ce qu’il dit donne des tournures parfois presque comiques : « À partir de ma conférence vous n’apprendrez rien sur l’énigme de la télépathie, et vous n’obtiendrez pas même d’information sur cette question : crois-je ou non à l’existence d’une “télépathie” » Pour des raisons sur lesquelles je reviendrai, tout doit rester indéterminé: l’expéditeur, le destinataire et le sens même du message. C’est pourquoi il n’est pas indifférent qu’il s’agisse, avec les textes de Freud sur la télépathie, de cours ou de conférences qui n’ont jamais été tenus : bouteilles à la mer. 

LE CAS

Dora avant et après Freud. Christine Ragoucy

À la différence de l’Homme aux loups, il n’existe pour Dora ni véritablement de récit analytique ultérieur, puisque son travail analytique s’est arrêté avec Freud, ni de recueil d’entretiens ; à la différence de « la jeune homosexuelle », il n’existe pas de récit (auto) biographique. « Dora avant et après Freud » fait ainsi suite à l’article de Karin Adler, « Ida Bauer, la Dora de Freud », qui a présenté les grands traits de la biographie d’Ida Bauer. Je reprendrai de façon plus détaillée les éléments biographiques dont on dispose sur Dora, de façon différente selon qu’il s’agit de la période avant l’analyse menée avec Freud et son récit clinique « Fragment d’une analyse d’hystérie » publié en 1905 ou après. 

L’ASSOCIATION 

Fragments de l’histoire de la psychanalyse en Suède. Malena Hansson 

Toutes les informations de cet article sont tirées de la thèse de doctorat de Per Magnus Johansson : La psychanalyse de Freud, Des héritiers en Suède, publiée en deux tomes. C’est un ouvrage très complet et détaillé sur le mouvement de la psychanalyse freudienne en Suède ainsi que sur dix analystes, praticiens et écrivains, avec chacun son style et sa manière d’aborder l’œuvre de Freud. Il est impossible, bien que l’envie ne manque pas, de tout traiter dans cet article. Je ne prétends donc pas donner une vision complète de l’histoire de la psychanalyse en Suède. Ce article constitue plutôt la reconstitution d’une lecture personnelle de ce doctorat et les points que j’ai eu envie de soulever et de transmettre aux lecteurs de Psychanalyse de ma place de psychanalyste suédoise, formée et exerçant en France, découvrant un morceau d’histoire et d’héritage de la psychanalyse de mon pays d’origine. Je me permets d’ajouter à la fin une petite note sur l’œuvre de Lacan en Suède, ainsi qu’un mot sur l’Association freudienne à Göteborg.

LA PASSE

Droit de cité. Jacques Podlejski

Il y a au moins deux façons d’attraper le thème retenu pour la journée sur « La cité dans la psychanalyse ». Cela évoque l’intervention de la cité, conçue comme extérieure à notre champ, comme venant impacter, voire menacer, par ses lois, par ses réglementations, par les modes de régulation sociale qu’elle promeut, les conditions d’exercice de la psychanalyse. J’ai choisi un autre versant, celui de considérer le groupe analytique comme une cité, selon le sens qui prévalait dans la Grèce antique où ce mot désigne un ensemble de personnes qui s’assemblent sous des institutions communes. On peut à bon droit parler de la cité de la psychanalyse, ou plus précisément des cités de la psychanalyse, dans la cité, pris au sens de l’État moderne.

J’ai été nommé AE, analyste de l’École, après m’être présenté à la passe à la cité APJL. J’ai donc été nommé AE par l’APJL. Mais c’est au sein d’une autre cité analytique – l’École de la Cause freudienne (ECF) – que j’ai effectué le parcours analytique qui, transmis dans le dispositif de la passe, a déterminé cette nomination. Si je suis donc là à vous parler, de cette position d’AE, c’est à ces deux cités que je le dois. En résumé, l’ECF a produit le passant, l’APJL a produit l’AE.

LA STRUCTURE

Père et Nom(s)-du-Père (1ère partie)

Il est manifeste et remarquable que le questionnement de Freud quant au père a émergé dans sa correspondance avec Fliess, et qu’il porte, quelquefois de façon intime, sur le rapport subjectif du fils à son père. Le père freudien gardera cette marque de naissance, l’analyse originelle de Freud, et ne doit rien à une réflexion académique. Les prédicats vont se succéder : séducteur, mort, impuissant, idéal, terrible, etc. Par un renversement, Lacan va reprendre la question du père à partir de son nom, puis de ses noms. Parallèlement, il propose une matrice possible de la structure qui rende intelligible la conséquence, chez l’humain, de son être langagier, au moyen de la tripartition : père réel, père symbolique, père imaginaire. Cette formulation, à elle seule, attire l’attention sur le fait que la fonction paternelle relève du nommé/nommant. Enfin, dans un de ses derniers séminaires, sur Joyce, il s’interrogera sur ce qui pourrait suppléer à cette fonction quand elle est suspendue : le sinthome. Si ni les élèves contemporains de Freud, ni les post freudiens n’ont sensiblement remis en cause ce que Freud dit du père et ont plutôt (M. Klein, D. Winnicott) développé une contribution concernant la mère, les élèves de Lacan, en revanche, n’ont pas la même lecture du legs lacanien sur le père et ses noms. On notera au moins une bipolarisation entre ceux qui insistent sur le caractère transcendant et irremplaçable de la fonction paternelle et ceux qui considèrent que l’élaboration de la catégorie de sinthome minimise et relativise la portée de cette fonction.

EXTÉRIEURS

C’est pas moi qui l’ai fait ! L’autoportrait en regard de la psychanalyse. Jean-Paul Rathier

Le genre autobiographique m’ennuie. Quant à l’autofiction – gadget éditorial de plus en plus prisé et primé par les médias –, j’y suis allergique, définitivement. Loin de ces boursouflures d’un narcissisme pathologique, je préfère fréquenter les œuvres d’artistes et d’écrivains qui, dans l’expérience de l’autoportrait, se risquent à dire ou à montrer ce « peu de soi » auquel les réduit, comme par nécessité, leur acte de création. Ainsi la parole solitaire de Beckett qui dans Mal vu mal dit en vient à s’exclamer : « Moindre. Ah le beau seul mot », « moindre minimement. Pas plus 1 ». Un art du suspens, du retrait et de l’ascèse, qui n’est pas sans rapport avec l’invention du sujet dans la cure analytique, quand un dire enfin désencombré des historiettes autobiographiques, qui jusque-là faisaient écran, parvient à se faire entendre dans ce « murmure à peine » où transite un presque rien délogé de son écrin de silence.


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PSYCHANALYSE N°11

Phallus et fonction phallique (suite et fin)

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janvier 2008

THÉORIE 

Topologie, religion, psychanalyse. Marie-Jean Sauret

Nul doute que le couple « psychanalyse, religion » n’apparaisse comme une question de cours classique, annonçant l’une des contributions majeures de l’anthropologie psychanalytique. Pourtant, n’est-ce pas au prix d’un quiproquo ? D’une part, les interventions de Freud relatives à la religion sont dictées par les leçons de la cure ; d’autre part, la psychanalyse s’est imposée, certes, comme une interlocutrice…

Un faux pas-tout. Patricia León-Lopez

« Un faux pas-tout » : Patricia León-Lopez donne un nouvel élan au débat sur la sexualité féminine, ouvert en 1925 autour du primat du phallus posé par Freud, emmené par Lacan dans un au-delà de la castration – avec l’élaboration d’un autre espace, celui du pas-tout phallique – mais aujourd’hui enlisé, dit-elle, dans deux erreurs : l’une, erreur logique, pose une fausse équivalence structurale entre le pré-oedipien et le pas-tout phallique ; l’autre, erreur « topique », situe d’une manière erronée le ravage mère fille, et, de là, conceptualise une dominance de la femme en tant que mère et un clivage mère-femme qui procède d’un faux pas-tout, équivalent à l’incomplétude. La 1ère partie de l’article replace ce qu’il en est du pré-oedipien chez Freud, en tant qu’il donne à la fille les conditions de départ permettant d’ouvrir l’espace du pas-tout phallique et les voies d’une jouissance féminine, qui s’articulent structuralement au pas-tout du pré-eodipien, mais ne se confondent pas avec lui. La 2ème partie s’oriente à partir des dialogues entre Wendla (14 ans) et sa mère dans L’Éveil du Printemps de Wedekind. P. León-Lopez y redéfinit la frontière entre le registre du ravage mère-fille et celui du pas-tout, proposant de lire le ravage comme l’enfermement dans la demande, illusoire, d’une transmission possible d’une essence de la féminité (en se passant du phallus), alors que le pas-tout procède, à partir de cet impossible à transmettre (prenant appui sur la fonction limitée du phallus), de l’ouverture vers le féminin. Mais si le ravage est posé, au contraire, comme une épreuve à traverser, pour dépasser cette illusion , « on finit par faire consister le tout en isolant l’accès au féminin dans le circuit fermé de la relation mère-fille », dit P. León-Lopez, ce qui recouvre le réel du ratage et conduit à une conception de l’amour recouvrant l’impossible du rapport sexuel, et procédant d’un autre ravage, celui qui ferme à une femme la porte de la rencontre avec l’homme.

Cause et détermination. Laure Thibaudeau 

« Cause et détermination » : reprenant la question, toujours énigmatique, de ce qui se passe pour le sujet dans le trajet analytique, Laure Thibaudeau éclaircit l’articulation logique des termes en jeu dans la cure, et distingue deux franchissements majeurs à partir du désir : celui du plan des identifications où le sujet rencontre la castration et sa butée (le désir y est fondé comme manque) ; et le temps de l’extraction du sujet de sa place d’objet de la jouissance de l’Autre où le sujet rencontre sa division et ce qui la cause, l’objet a, qu’il doit reconnaître pour que soit possible la détermination de sa place dans le monde (le désir y est rencontré comme coupure). En dépliant deux cas cliniques selon ces axes, L.Thibaudeau nous rend sensible le « saut extraordinaire » que fait Lacan avec la topologie, en donnant son efficace à la fonction du symptôme : « un cruel effort pour exister ». 

L’ASSOCIATION

La passe comme intégrale. Yann Diener 

« La passe comme intégrale » : Yann Diener en appelle à « tenter une écriture de la dispersion », qui caractérise le mouvement lacanien, en opposition à la conception ensembliste de l’IPA, massification considérée comme mortelle pour la psychanalyse. Pour parvenir à cette écriture, Y.Diener propose de mettre au travail la notion mathématique d’intégrale (déjà évoquée par Lacan, puis récemment par Erik Porge à propos des associations, et par Pierre Bruno pour repérer la passe) : « pour maintenir la passe au principe de l’expérience analytique, nous avons à calculer l’intégrale des petites et immenses variations entre les différents dispositifs mis en place ».

LA PASSE

Escale. Marie-Claire terrier 

« Escale », « Tu repasseras par là…», et « Un nom comme symptôme », sont trois témoignages de passe, le premier quand la distance à traverser « jusqu’à l’autre côté du fleuve » est trop grande ; le second, celui de C.Cros, qui n’a pas produit un AE, interroge l’opportunité d’une « clinique des non-nommés » conçue à partir des effets de la passe ; le troisième, par M. Lateule, met l’accent sur le temps de la nomination (au titre d’AE), après lequel, elle s’est trouvée, étrangement: « encombrée d’un nom comme on peut être encombrée d’un symptôme gênant ».

Tu repasseras par là… Christian Cros

« Escale », « Tu repasseras par là…», et « Un nom comme symptôme », sont trois témoignages de passe, le premier quand la distance à traverser « jusqu’à l’autre côté du fleuve » est trop grande ; le second, celui de C.Cros, qui n’a pas produit un AE, interroge l’opportunité d’une « clinique des non-nommés » conçue à partir des effets de la passe ; le troisième, par M. Lateule, met l’accent sur le temps de la nomination (au titre d’AE), après lequel, elle s’est trouvée, étrangement: « encombrée d’un nom comme on peut être encombrée d’un symptôme gênant ».

Un nom comme symptôme. Marianne Lateule

« Escale », « Tu repasseras par là…», et « Un nom comme symptôme », sont trois témoignages de passe, le quand la distance à traverser « jusqu’à l’autre côté du fleuve » est trop grande ; le second, celui de C.Cros, qui n’a pas produit un AE, interroge l’opportunité d’une « clinique des non-nommés » conçue à partir des effets de la passe ; le troisième, par M. Lateule, met l’accent sur le temps de la nomination (au titre d’AE), après lequel, elle s’est trouvée, étrangement: « encombrée d’un nom comme on peut être encombrée d’un symptôme gênant ».

LA STRUCTURE

Phallus et fonction phallique chez Lacan

« Phallus et fonction phallique chez Lacan » constitue la 3ème partie (après les n°8 et 10) de « l’inventaire » du concept. La 2ème partie, ayant discuté la question : le phallus est-il le signifiant du désir ou/et de la jouissance ? – finissait sur cette lecture structurale : tout sujet, homme ou femme, est privé du phallus symbolique, Φ, impossible à négativer, signifiant de la jouissance. D’où la thèse : le Phallus est signifiant du désir si le sujet dispose de la métaphore paternelle, mais il est signifiant de la jouissance pour tout sujet. De là, cette 3ème partie cherche à préciser la fonction du phallus dans l’économie de la jouissance du sujet. Du séminaire XIV (La logique du fantasme) au séminaire XX (Encore), Lacan recourt à la logique mathématique, et élabore deux formules (la fonction phallique et la jouissance phallique), pour mettre en écriture le rôle du phallus dans la différence des sexes et dans la relation sexuelle. Cette construction (reprise notamment à travers les formules de la sexuation), éclaire des affirmations décisives de Lacan, comme «  la signification du phallus est un pléonasme », « il n’y a pas de rapport sexuel », « le phallus fait obstacle au rapport sexuel ». Après Encore, émerge une autre question : celle du statut de réel du phallus, que situe l’approche du séminaire RSI et celle, topologique, du Sinthome. Après les dernières thèses lacaniennes quant à la fonction du phallus (1975-1976), cet inventaire se conclut sur la proposition de deux théorèmes articulant le phallique et la jouissance, puis situe en quels points la « querelle du phallus » fait retour, certes implicite, dans certaines lectures post-lacaniennes.

EXTÉRIEURS

Les bienveillantes mises en questions. Henri Dedet

« Les Bienveillantes mises en question » : partant de la « question brûlante » que pose le roman historique de J.Little, « celle de ma proximité avec ce Dr Aue lieutenant colonel SS », H.Dedet récuse la thèse du héros qui fait sien l’impératif catégorique de la philosophie kantienne, le « devoir obéir aux ordres » étant incarné dans la volonté du Führer. Il la récuse précisément au moyen de l’éthique kantienne, de « l’exigence d’un humanisme pratique », et déplace ainsi la question : « Aurais-je été capable de cette transcendance nécessaire pour agir au-delà des déterminations qui m’auraient poussé à l’obéissance ?» – pour aboutir à une position ferme : « je refuse de comprendre un SS, de le prendre avec moi.

Les ténèbres du démenti. Isabelle Morin

« Les ténèbres du démenti », d’Isabelle Morin, prolonge cette position en montrant que la psychanalyse s’oriente non sur la compréhension du passage à l’acte, mais à partir du signifiant en tant que trace, même infime, pouvant conduire à la vérité du sujet. Du livre de Gitta Sereny, Au Fond des Ténèbres, recueil de la parole d’un commandant de Treblinka, I. Morin fait un « témoignage sur le démenti », processus de défense dont elle articule le statut dans la structure et dans la responsabilité d’un sujet.


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PSYCHANALYSE N°10

L’amour, l’occulte et le phallique

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septembre 2010

THÉORIE

Lacan, l’amour. Jean-Paul Ricœur 

« L’amour… on peut se demander s’il s’agit d’un concept proprement psychanalytique et non pas plutôt d’un thème relevant de la psychologie, voire de la philosophie – “les philosophes, ils ne parlent que de ça”, affirmait en tout cas Lacan. Si on ouvre le bien connu Vocabulaire de la psychanalyse de Laplanche et Pontalis, on constate qu’il n’y a pas d’entrée “amour”. Si on veut entendre parler d’amour, il faut se reporter à l’entrée “objet” pour voir apparaître l’amour, l’amour pour l’objet dans la “relation d’objet”.»

Partant de la Verliebheit de Freud (à distinguer de l’amour : Liebe) Lacan a-t-il fait de l’amour un concept psychanalytique ? J.P. Ricœur parcourt vingt-cinq ans d’élaboration, partant de l’amour de transfert et de l’amour narcissique (séminaire I), jusqu’à la conception, si singulièrement lacanienne, du séminaire Encore – de l’amour comme suppléance au rapport sexuel qu’il n’y a pas – avant le dernier pas de 1977, qui pose l’amour, pur événement de rencontre, comme touchant au réel.

L’occulte et le réel. Pierre Bruno 

« Freud, en 1925, écrit “Die Grenzen der Deutbarkeit ”, “Les limites de l’interprétabilité”, un des trois suppléments à l’ensemble de la Traumdeutung. Ce supplément est suivi par “La charge de responsabilité morale à l’égard du contenu des rêves” et “La signification occulte des rêves”. Dans le premier supplément, il s’agit de savoir si “l’on peut donner de chaque produit de la vie de rêve une traduction complète et assurée dans le mode d’expression de la vie de veille [interprétation]”. En réalité, deux questions vont être traitées par Freud. La première concerne le fait de savoir si tout rêve a un sens. La seconde si, cette question ayant reçu une réponse positive, l’interprétation est “complète”. »

« L’occulte et le réel » s’intéresse aux trois suppléments à la Traumdeutung, écrits par Freud à partir de 1925. Dans le troisième, « La signification occulte du rêve », chose étonnante, Freud mentionne sa croyance à l’existence de phénomènes télépathiques. Dans le séminaire  Les non-dupes errent, Lacan souligne que Freud, dans son déchiffrage du rêve, s’arrête à son sens sexuel et touche en cela à une limite de l’interprétation, puisque le sens sexuel ne permet pas d’accéder au sens du rapport sexuel. Pierre Bruno poursuit en définissant que l’occulte, c’est précisément le réel en tant qu’il n’est pas reconnu comme inaccessible au sens. Penser pouvoir résoudre la question de l’occulte par l’initiation, c’est le contraire de la psychanalyse, conclut Pierre Bruno, qui ouvre la perspective de la passe comme pouvant éviter à la psychanalyse, quand elle aborde le réel de la jouissance, de glisser vers l’initiation, sur une pente que Lacan lui-même a fermement récusée en 1974.

L’ASSOCIATION

La psychanalyse au Canada, vue du Québec. Annick Passelande, Robert pelletier

« Pourriez-vous vous présenter de façon à permettre au lecteur de saisir à partir de quelle position vous appréciez la situation québécoise et plus largement canadienne ? »« La psychanalyse au Canada, vue du Québec », en faisant le point sur l’histoire de la psychanalyse et les politiques de santé mentale au Québec, amène cette problématique qui en dépasse le cadre : comment peut-on pratiquer la psychanalyse dans un contexte qui n’est pas favorable ? 

LE CAS

Ida Bauer, la Dora de Freud. Karin Adler

« En 1957, dans la revue américaine Psychoanalytic Quarterly, Felix Deutsch publie un article joliment intitulé “A footnote to Freud’s fragment of an analysis of a case of hysteria”, traduit en français sous le titre d’ “Apostille au « Fragment d’une analyse d’hystérie »”, où l’auteur nous donne quelques renseignements nouveaux sur la vie et la mort de Dora, dont Arnold Rogow dévoilera le nom en 1978 dans son article “A further footnote to Freud’s fragment of an analysis of a hysteria”  : Ida Bauer. »

« Ida Bauer, la Dora de Freud » présente la particularité d’apporter des éléments biographiques sur Dora, du temps de sa cure de jeunesse avec Freud, puis dans le cadre de ses entretiens ultérieurs avec Félix Deutsch, jusqu’à l’arrangement inattendu qu’elle trouve avec la persistance de sa névrose.

LA PASSE

L’accord d’accord. Guy Le Gaufey

« (Ce qui suit se veut un plaidoyer pour un certain style de passe pratiqué dans l’ELP, afin que se prolonge cette aventure, pour autant qu’elle s’inscrit en porte-à-faux au regard des exigences de légitimité des discours ambiants.) Il se peut que l’idée la plus ruineuse pour la passe tienne dans ce distinguo tout simple, énoncé peu de temps après sa mise en place, et selon laquelle surviendrait d’abord dans le cours d’une cure un type d’événement tel que, dans un temps second, il appellerait une procédure spéciale – celle-là même que Jacques Lacan inventa de toutes pièces dans sa “Proposition d’octobre 1967” – pour qu’on puisse en savoir quelque chose. »

« Passe et nomination » déplie des points fondamentaux de la « Proposition d’octobre 1967 », par laquelle Lacan, propose (le mot est essentiel) son invention de la passe comme une « possibilité réglée d’accord » entre trois acteurs qui jouent chacun une partie mettant en jeu des conséquences décisives, puisqu’elles concernent la fin du transfert, le « s’autoriser » d’un analyste, et le réel (ou  « ratage du réel ») dans la position de l’analyste. 

LA STRUCTURE

Phallus et fonction phallique chez Lacan.

« Le constat que nous faisons d’emblée en abordant le concept de phallus chez Lacan est qu’il constitue une pièce maîtresse de la structure. Il est solidaire à la fois du complexe de castration, donc de l’Œdipe, du langage, donc du rapport entre signifiant et signifié, et du réseau symbolique des échanges, notamment les structures élémentaires de la parenté. Solidaire également de la métaphore paternelle, du nouage entre le réel, le symbolique et l’imaginaire, de ses modes d’assujettissement (psychose, névrose, perversion) et enfin de la cure analytique elle-même, de son déroulement, de sa terminaison et de sa fin, du transfert. »

« Phallus et fonction phallique chez Lacan » constitue la deuxième partie (suite et fin au n°11) d’une synthèse qui traite de ce concept en tant qu’il constitue une pièce maîtresse de la structure. Elle interroge le statut du phallus, introduit d’emblée comme symbolique dans l’enseignement de Lacan, et l’aborde, notamment, sous l’angle des trois modalités lacaniennes du manque, puis à travers la discussion de cette question essentielle : le phallus est-il le signifiant du désir ou/et le signifiant de la jouissance ?

EXTÉRIEURS

« L’homme de bien ne sort pas de sa place. » Langue, discours et constitution des savoirs dans la Chine classique (Xe-XIXe siècle).

« Les lettrés confucéens ont dominé en Chine la sphère intellectuelle pendant le millénaire allant des alentours de l’an mille à l’aube du XXe siècle. Rarement idéologie fut plus durable, ni plus homogène, ni ne concerna un pays plus peuplé. Personne ne croit que, malgré la page historique et culturelle tournée depuis le début du XXe siècle, elle n’a pas continué d’exercer ses effet tout au long de ce dernier, ni ne les exerce encore aujourd’hui. »

« L’homme de bien ne sort pas de sa place », qui porte un sous-titre « Langue, discours et constitution des savoirs dans la Chine classique », condense les traits fondateurs de la pensée néo-confucéenne ayant dominé la culture chinoise jusqu’au début du XXe siècle : idéalisation d’un savoir total et clos portant sur « l’Étude de la Voie », qui vise à produire un modèle figé de conseillers accomplis (les Mandarins) en organisant le déni du réel de la modernité.


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PSYCHANALYSE N° 9

Le narcissisme. Les fondements de l’humain

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mai 2007

THÉORIE

Le narcissisme et la question de l’originaire. Marie-Claude Lambotte

À la question laissée en suspens par Freud dans “Pour introduire le narcissisme” sur la nature de cette “nouvelle action psychique” qui doit venir s’ajouter à l’autoérotisme pour donner forme au narcissisme, Lacan répond par la formation de l’image spéculaire et la constitution imaginaire du moi qui s’ensuit. Et l’on sait depuis le stade du miroir, trop souvent réduit aux seuls avatars de l’image issus d’un processus identificatoire complexe, toutes les incidences psychopathologiques qui s’en sont trouvées répertoriées, et cela sous des enseignes très vagues, dont la fameuse “faille narcissique” offre un bon exemple. »

« Le narcissisme  et la question de l’originaire » tire son actualité d’une clinique moderne s’intéressant aux formes variées d’altération du moi (dépressions, mélancolie, états dits « limites » ). Revenant à l’origine du moi freudien, M.C. Lambotte montre que la question du narcissisme est fondamentale parce que constitutive de notre rapport au monde (formation de l’image spéculaire, « par quoi est narcissiquement structuré tout amour », dit Lacan ; fonction de l’Idéal du moi). Recourir à ce mécanisme originaire amène, au-delà des ambiguïtés de la classification clinique, à entrer dans une logique de la dépression, du deuil et de la mélancolie, porteur d’hypothèses nouvelles.

À propos de la parution des Lettres à Fliess de Sigmund Freud. Sophie Aouillé

À l’instar de la recommandation de Freud et de Lacan qui ne manquèrent pas, chacun à sa façon, de rappeler qu’il faudrait aborder chaque cas comme si l’on n’avait rien appris des précédents, comme si l’on ne connaissait rien de la théorie, il faudrait pouvoir aborder ces Lettres à Fliess, enfin disponibles en français dans une version non expurgée, comme si l’on n’avait jamais rien lu, comme si l’on ne connaissait rien de la relation qu’entretinrent pendant dix-sept ans Sigmund Freud et celui que Lacan nommera “le médicastre, le chatouilleur de nez”, le médecin berlinois Wilhelm Fliess. »

« Lettres à Fliess », faisant suite à l’événement français de la publication des lettres en 2006, éclaire d’un jour nouveau le mythe de l’autoanalyse de Freud, et ses conséquences pour la psychanalyse.

L’humain est-il une chimère ? Catherine Joye-Bruno 

Dans son édition datée du 7 octobre 2006, le journal Le Monde nous informait que “trois équipes britanniques de biologistes de renom s’apprêtent à créer, via la technique du clonage, des embryons chimériques […] obtenus à partir d’un noyau de cellule humaine placé au sein d’un ovocyte de lapine ou de vache, préalablement énucléé”. Cette nouvelle avancée dans les possibilités scientifiques relance une problématique, régulièrement posée depuis l’avènement des technosciences et dont les éthiciens se sont emparés : en quoi la transgression de la barrière des espèces remet-elle en cause la définition de l’humain ?…

L’ASSOCIATION

L’association. La psychanalyse en Grèce.

« Psychanalyse en Grèce » retrace l’histoire psychanalytique, dans laquelle sont notamment passés les personnages de Freud et de Marie Bonaparte, et rend compte de la situation actuelle, où la psychanalyse reste une pratique marginale, entravée à divers titres, mais en phase d’extension.

LE CAS

Le cas des sœurs Papin : une question de style. Dominique Lechevallier

Le cas des sœurs Papin stigmatise la question de la folie dans le seul passage à l’acte. Peu de commentaires, peu d’éléments accessibles, tout cela paraît creuser l’énigme. Pourtant on en parle : en 1983, Broadway donnait une pièce écrite sur ce fait, tandis que sur place, au Mans, un jeune cinéaste produisait un film sur le même canevas. Après Eluard, Sartre, Genet et bien d’autres, dont deux films il y a encore trois ans, ces productions attestent que le passage à l’acte des sœurs Papin ne cesse pas de ne pas s’écrire. »

« Le cas des sœurs Papin » repris par D. Lechevallier, éclaire, sous un jour subversif que seule la psychanalyse peut apporter, la sombre question du passage à l’acte, sur laquelle Lacan s’était à l’époque prononcé. 

LA PASSE

L’absente. Pierre Bruno

C’est à la fin de notre séminaire que je me suis avisé, et l’ai dit à Sophie Aouillé, qu’il y avait une “absente” dans son enquête : l’École freudienne de Paris. Bien entendu, cette absence allait de soi, puisque l’ambition de Sophie Aouillé était de nous informer sur les associations existantes en 2007. Mais cette absence n’en a pas moins un relief lié à ceci que la naissance et l’histoire infantile de la passe ont eu lieu dans l’EFP, de 1967 à la dissolution de 1980. Il n’est pas très risqué de penser que les raisons qui ont conduit Lacan à faire ce qu’il appelle, en octobre 1968, une “petite réforme”, comme l’accueil, approbatif ou hostile qu’elle a reçu, nous permettent, in statu nascendi, de saisir les enjeux de la proposition et aussi de constater que ces enjeux sont ceux-là mêmes qui, en 2007, nous éclairent sur les lignes de partage que nous avons pu constater. »

« L’absente » est un commentaire de P. Bruno sur un séminaire : « L’enjeu de la passe » dont la grande absente était l’Ecole freudienne de Paris, que l’article resitue dans les péripéties et les enjeux ayant marqué la  «Proposition du 9 octobre 1967 » par Lacan, puis le démarrage de l’expérience de la passe à l’EFP.

La lettre aux italiens… et à quelques autres. Érik Porge

Le texte dont nous allons parler est une lettre. À tous les titres du terme, comme celles de Freud à Fliess, comme la lettre volée. Au départ, il s’agit d’une lettre que Lacan a adressée à trois personnes, trois de ses analysants, aussi analystes, résidant en Italie : Armando Verdiglione et Giacomo Contri à Milan, Muriel Drazien à Rome. Trois personnes que Lacan a appelées son “tripode”. Les deux premières sont italiennes et Muriel Drazien était à l’époque depuis peu en Italie. »

« Lettre aux Italiens », s’inscrit dans l’histoire de Lacan en Italie, au fil laquelle, nous montre E. Porge, le chiffre « trois » n’a cessé d’insister : « tripode » de destinataires auquel était adressée la lettre et sur lequel Lacan voulait asseoir une école italienne rassemblée sous la bannière de la « Cosa freudiana » ; trois fois où Lacan a parlé à Rome. L’originalité de la Lettre consistait en une articulation nouvelle entre la passe et l’association. Même si son projet n’a pas pu fonctionner en 1974, « la lettre insiste », dit E. Porge, entre autres comme référence pour chercher à réunir, autour d’une passe en commun, des associations actuelles… au nombre de trois.

Du « maudit »… au mal-dit. Bernadette Etcheverry

Témoigner ?… Pourquoi ?Lorsque j’entends ou lis des témoignages de passe, je suis frappée par le caractère inédit et singulier de chacun et j’éprouve en même temps un sentiment de proximité, voire de familiarité, avec ce qui s’y trame. Il y a comme un effet de re-connaissance, non sur le modèle identificatoire, mais au-delà, à ce niveau qui fonde proprement le tissu humain dont parle Lacan et qui, pour reprendre une expression de Marie-Jean Sauret, “ne saurait faire d’un être humain un animal”. »

Quand nous lisons le témoignage de passe, intitulé « du Maudit… au mal-dit», nous sommes en effet sensibles à un « effet de re-connaissance », comme le dit B. Etcheverry, par lequel sont touchées des questions aussi universellement humaines que : « Et le féminin, alors ? », et une réponse singulière dans cette passe accomplie.

EXTÉRIEURS
 L’œuf, le bœuf, la meuf. Rémi Checchetto

« Ça commence comme ça : t’as mal. T’es mal. T’es une momie dès le matin, une pile électrique le soir, faisant le négatif de tes gestes, passant par le zéro, côtoyant la boîte à pharmacie, t’as de brusques reflux du temps et tu prends du Maalox affirmant que ce sont des reflux gastriques, tu dérapes dans des temps morts sur les bas-côtés de ton histoire et changes les pneus de ta voiture, tu respires mal et clames qu’ils ne font rien et que dalle à Kyoto, tu dis avoir mal aux oreilles alors que tu endures de n’être pas assez sourd, aïe, aïe, aïe, aïe, aïe, aïe, aïe, aïe, aïe, aïe, aïe, aïe… »

« L’œuf, le bœuf, la meuf », texte poétique autour de ce qui pousse et aboutit à écrire (“tu as la perfection de l’œuf, tu es un écrivain”), croise la psychanalyse, notamment au point où il énonce : “Ceux qui sont sur le mou divan ne s’ignorent plus et c’en est fini de leur écriture”, ce qui nous interpelle sur le traitement du désir.

FREUD

La psychanalyse au Viêtnam. Frédérique F. Berger, Dam-Thu Nguyen Hac

Psychanalyse : Le cent cinquantième anniversaire de la naissance de Sigmund Freud et la parution en vietnamien des Trois essais sur la théorie de la sexualité nous conduisent à parler avec vous de l’introduction de son œuvre et de la situation de la psychanalyse au Viêtnam. Frédérique F. Berger : Permettez-moi d’abord de vous présenter madame Nguyen Hac Dam-Thu, qui m’a fait l’honneur d’accepter de…

HOMMAGES À ROSINE ET ROBERT LEFORT 

Hommage à Rosine Lefort. Laure Thibaudeau

Rosine Lefort n’est plus. « C’est donc tout à la fois sur l’existence ou la non-existence de l’Autre, sur ce qui lui promet son existence et ce qui lui permet son inexistence ; c’est là-dessus que porte le choix et dans ce cas il est plausible », dit Lacan. Ce choix paradoxal se déplie tout au long de la cure analytique, et il aboutit à la conclusion que l’Autre est barré parce qu’il n’existe pas…. 

Hommage à Robert Lefort. Pierre Bruno

Sur l’instigation de mon analyste Maud Mannoni, j’ai été voir Robert Lefort pour un contrôle dans l’année 1977. Ma pratique d’analyste était alors débutante et je travaillais à l’hôpital de Montauban où je recevais des enfants, psychotiques pour la plupart. J’ai été ainsi le voir pendant environ cinq ans et je me souviens de la grande patience dont il témoignait à mon égard. La plupart du temps, il… 


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PSYCHANALYSE N° 8

Phallus et fonction phallique

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janvier 2007

THÉORIE

Les mots et la chose. Isabelle Morin

« Les mots et la Chose » s’ouvre sur une interrogation dialectique dont les termes sont deux versions possibles de l’humanisation : qu’est-ce qui est premier, des mots ou de la Chose, du réel ou du symbolique ? La réponse d’I. Morin est condensée dans sa déclinaison du célèbre énoncé freudien (« Wo es war, soll ich werden ») sous la forme « Là où était la Chose, tu peux savoir », à condition de donner un certain statut à ce savoir, qu’elle déplie au fil d’un développement reprenant pas à pas l’abord, toujours difficilement saisissable, de la Chose freudienne.

« Là où c’était (la Chose), Scilicet ?Il y a deux versions possibles de l’humanisation. Elles ne sont pas exclusives mais elles méritent sans doute d’être dialectisées. La première dirait qu’au commencement était la Chose, puis vinrent les mots. La seconde considérerait que tout a commencé avec les mots qui ont fait exister la Chose. Ces deux versions répondent à deux élaborations différentes de la constitution du sujet. Une qui fait prévaloir l’objet « […]  [Extrait de l’article]

L’évidement du savoir et le style de l’inconscient. Luz Zapata-Reinert 

« L’évidement du savoir et le style de l’inconscient » aborde cette question fondamentale, depuis Freud : « Comment s’enseigne la psychanalyse ? » – qui semble paradoxale si l’on considère que la psychanalyse produit, de structure, une opération de soustraction dans le savoir. A partir de cette opération d’évidement, par laquelle naît un sujet, L.Zapata Reinert nous introduit à ce qu’articule Lacan de l’acte et du style de l’analyste.

« Comment s’enseigne la psychanalyse aujourd’hui ? Répondre à cette question suppose d’affronter au moins deux paradoxes que je vais essayer de présenter en les mettant en perspective avec mon propre parcours dans la psychanalyse et dans l’enseignement ». [Extrait de l’article]

L’Oblativité : premières controverses. Christine Ragoucy

Dans « L’Oblativité », C.Ragoucy dégage les grands axes des controverses dont ce concept a fait l’objet, depuis son invention en 1926, en France, puis montre que la critique qu’en fait Lacan (en 1938) a une portée qui dépasse l’argument historique, en ce qu’elle annonce son retour à Freud et sa théorie langagière de l’inconscient.

« Généralement, quand on mentionne les critiques de Lacan sur l’oblativité, on fait référence aux débats de Lacan et de la génération de l’après-guerre des psychanalystes de la Société Psychanalytique de Paris, autour de la question de la relation d’objet. Les coordonnées en sont posées en 1958 dans “La direction de la cure” quand Lacan établit de façon définitive le statut de cette notion dans la psychanalyse : l’oblativité est une des modalités de la relation d’objet, celle mise en jeu dans le fantasme de l’obsessionnel pour escamoter son désir. Les dernières références importantes à l’oblativité chez Lacan datent de 1964. »[Extrait de l’article] 

Du Signe… à la Lettre vivante. Yamina Guelouet 

« Du Signe…à la Lettre vivante » est une conception du trajet qui s’opère du début à la fin d’une analyse, trajet qui reviendrait, dit Y. Gelouet, à celui qu’a accompli le sujet dans les conditions initiales où son désir a émergé : quand l’enfant adresse un appel au père, et qu’il reçoit de lui le Signe du nom propre, parole d’amour, qui lui ouvre la voie au désir via la castration de la mère. Le Signe, au terme de ce trajet, est transmuté dans l’inconscient en Lettre vivante (Y. Gelouet précisant, d’après Freud, en quoi consiste cette lettre) qui est aussi ce qui s’incarne au terme d’une analyse.

« Le titre évoque un trajet entre deux moments, celui où un Signe apparaît, et l’autre où il s’écrit. C’est un Signe porteur d’amour, qui traverse une cure, non sans remous, et accompagne l’être parlant, qui comme corps vivant sexué se trouve pris dans des impasses que le langage, de structure, lui impose. L’être parlant, en toute ignorance, orienté par un réel, celui de la jouissance de l’être, poursuit un dessein, celui de l’atteindre pour réaliser le rapport sexuel. C’est le syntagme que Lacan introduit pour désigner la jouissance absolue que vise cet être ».[Extrait de l’article] 

LA STRUCTURE

Phallus et fonction phallique. Pierre Bruno

« Phallus et fonction phallique » inaugure les synthèses de grands concepts théoriques, proposées par PSYCHANALYSE. Ce n°8 en présente la première partie, situant les temps forts de l’élaboration freudienne, du « fait-pipi » du petit Hans au « primat du phallus », sur lequel Freud n’a jamais cédé. Au-delà des repères connus, sont mis au jour de « vrais diamants », issus de textes inattendus, qui préfigurent le statut du phallus chez Lacan et sa conception de la sexuation, que P.Bruno condense ainsi : « l’échec du langage, c’est le destin».

« La revue PSYCHANALYSE n’est pas une revue à thème, mais elle est articulée en parties. Nous avons décidé d’introduire, sous la dénomination “La structure”, une nouvelle partie. Il s’agit de proposer, à chaque numéro, l’inventaire d’une catégorie (je ne dis pas concept pour tenir compte de la critique du concept dans le dernier enseignement de Lacan). Les catégories sont les différents items ayant trait à l’état civil de l’étant. Sur la carte d’identité de l’étant, Aristote a imprimé dix rubriques : substance (ousia), quantité, lieu, etc. Dans les catégories de Freud et de Lacan, il n’est pas impropre de substituer d’autres rubriques qui se rapportent au parlêtre et non à l’étant en général : phallus, symptôme, Nom-du-Père, Autre, etc. Nous avons choisi de commencer par le phallus, et la fonction phallique. Nous vous invitons donc à la visite du chantier, que nous sommes quatre à mettre en train : Fabienne Guillen, Dimitris Sakellariou, Marie-Jean Sauret et moi-même.

Sans originalité, nous avons distingué : 1) Freud, 2) après Freud et avant Lacan, 3) Lacan, 4) après Lacan. Dans ce numéro, nous traiterons les parties 1 et 2, mais d’ores et déjà seront indiqués les points que nous avons cru pouvoir retenir concernant les parties 3 et 4. Dans le prochain numéro, nous développerons ces parties, sachant que ce développement aura des effets rétroactifs d’ajustement sur ce qui est présenté dans ces deux premières parties, avant la carte finale. Enfin il s’agit d’un savoir, et le style dans lequel celui-ci est exposé ne saurait être indifférent. Nous avons tenu compte de quatre considérations : le savoir est à prendre, non à apprendre ; la psychanalyse est, en tant qu’expérience, intransmissible ; l’exigence d’un savoir lisible et questionnable fait partie de l’éthique de la psychanalyse ; l’exigence d’un exposé symptomal, c’est-à-dire qui n’efface pas mais au contraire relève les points de butée, les évolutions, les ruptures, voire les contradictions, de ceux qui ont construit ce savoir. »[Extrait de l’article] 

La querelle du phallus. Fabienne Guillen 

LE CAS

« Saudade » ou la jeune homosexuelle. Thérèse Charrier

« Saudade ou la jeune homosexuelle» amène au célèbre cas de Freud de nouvelles clés de lecture, portées par la biographie de cette même Sidonie Csillag, parue en 2003. Partant du « C’est à cause de ma mère » qu’elle y énonce, T. Charrier articule différentes versions logiques du thème du « désistement », introduit par Freud.

« “Comment se fait-il que je sois devenue ainsi ? ” se demande Sidonie Csillag à la fin de sa vie.Le contact d’une main, un mouvement du corps avaient pu l’exciter bien plus que les zones du corps sur lesquelles tout le monde orientait impérieusement le plaisir. Comme elle trouvait horrible l’endroit sombre et la “chose” menaçante entre les jambes des hommes ! combien angoissante, bien qu’un peu mieux quand même, la plage humide chez les femmes ! combien repoussante une langue dans sa bouche ! Quand enfin ça finissait par réussir, avec ses amours, c’était déjà terminé. Comment se fait-il que je sois devenue ainsi ? C’est “à cause de ma mère… toutes les femmes étaient des ennemies pour elle… Et seule, cette beauté, celle de ma mère, la mienne et celle de beaucoup de femmes m’a émue et a déclenché en moi de très violents sentiments ; j’ai toujours été amoureuse de la beauté ; une belle femme est toujours une jouissance pour moi, il en sera ainsi jusqu’à la fin de ma vie.”[Extrait de l’article] 

L’âme. Patricia León -Lopez

Dans « L’âme », P. León-López ouvre une perspective, féminine en quelque sorte, dans la lecture du cas de Dora, en y déployant les différents termes du rapport qu’entretient la femme (hystérique) avec l’âme : la position de la « belle âme », la question sur « l’être femme », l’amour de l’âme que Lacan écrit « elle âme l’âme ».

« Pourquoi Dora ? Au début du dernier chapitre de la Psychopathologie de la vie quotidienne, Freud s’interroge sur ce qui a pu le déterminer a choisir le prénom de “Dora” pour la publication de ce “Fragment d’une analyse d’hystérie”. Ce prénom était le prénom familièrement donné à une gouvernante au service de sa sœur Rosa. La prétendue Dora s’appelait en réalité, elle aussi, Rosa et ne pouvait conserver le même prénom que la maîtresse de maison. D’où la substitution, que Freud apprit par hasard, un soir où il se trouvait chez sa sœur, et qu’il déplora. »[Extrait de l’article]

LA PASSE

Le souci du passant. Panos Papatheodorou

« Le souci du passant » et « Une frontière enfin possible » sont deux textes sur la passe : l’un est une élaboration de P. Papatheodorou sur ce qui est en jeu dans le temps logique où le passant choisit de faire la passe ; l’autre est un témoignage, où Mariane Lateule nous rend sensibles à la fois ce choix du moment, lié à des événements singuliers, et les effets de la passe, dont le « enfin possible » prend valeur universelle.

« Il s’agit de mon texte d’intervention tel qu’il a été prononcé au colloque “La passe de Lacan et l’expérience psychanalytique” tenu à Athènes le 3 juin 2006. Tout d’abord, je tiens à expliquer le titre de cette intervention. Le mot “souci” qui est de toute façon un signifiant, est une traduction de “μέλημα” dérivé du verbe “μέλει” qui, en grec ancien, est impersonnel et signifie s’occuper de quelqu’un ou de quelque chose, et plus précisément en prendre soin. Par conséquent, la question est de savoir quel est l’objet de cet acte. “Un signifiant représente, comme nous le savons, le sujet pour un autre signifiant.” Un signifiant, choisi parmi d’autres pour me représenter, va de pair avec d’autres signifiants. Je prends alors le signifiant souci de ce topos qui s’ouvre entre le sérieux et l’attente, tel qu’il a été posé par Kierkegaard et ensuite par Lacan dans son séminaire sur l’Angoisse ».[Extrait de l’article ] 

Une frontière enfin possible. Marianne Lateule

« Le souci du passant » et « Une frontière enfin possible » sont deux textes sur la passe : l’un est une élaboration de P. Papathéodorou sur ce qui est en jeu dans le temps logique où le passant choisit de faire la passe ; l’autre est un témoignage, où Mariane Lateule nous rend sensibles à la fois ce choix du moment, lié à des événements singuliers, et les effets de la passe, dont le « enfin possible » prend valeur universelle.

« Dans l’après coup de la crise institutionnelle à l’ECF et la création de l’APJL, la porte de la passe s’est ouverte ; restait à en franchir le seuil. L’offre de la passe n’était plus demandée, voire commandée par l’Autre, ce grand Autre qu’incarnait pour moi l’École. C’est au contraire, causé par un désir qui pouvait se passer d’une reconnaissance, que cette possibilité est advenue. Mais un pas de plus s’avérait nécessaire. Ce pas s’est présentée lors de deux évènements de séparation : une séparation réelle sous la forme d’un deuil, et une séparation symbolique touchant le couple mère-enfant. La sortie de la cure m’avait surprise en même temps qu’elle s’imposait. »[Extrait de l’article]

L’ESSAI

Nostalgie du Père « grandiose » dans L’utopie de Thomas Moore. Jean-Bernard Paturet

« Nostalgie du Père grandiose dans L’Utopie de Thomas More »  constitue un essai sur l’utopie, qui repose sur deux piliers : le premier, contre une conception de l’utopie comme retour au maternel, la définit comme nostalgie d’un père grandiose, protecteur et tout-puissant ; le deuxième présente ce père d’amour, (l’Utopus de Thomas more) comme la forme inversée du père de la horde (l’Urvater de Freud), ces deux faces d’une même figure ayant des conséquences qui conduisent J.B. Paturet à une réflexion sur la fin de l’histoire.

« Réfléchissant sur L’Utopie, la plupart des commentateurs y ont vu le retour à un monde maternel caractérisé par l’absence de père. Ainsi Jean Servier dans son livre L’Utopie écrit : “Le communisme utopien tend à écarter l’image du père en la remplaçant par la cité maternelle pourvoyeuse, seule capable de satisfaire tous les besoins”. L’Utopie serait alors un retour à Big Mother pour reprendre le titre du livre de Michel Schneider et signifierait ainsi, l’effort de la culture pour surmonter le traumatisme de la naissance et exprimerait selon le mot de Ferenczi “le désir de régression thalassale et de retour à l’océan abandonné dans les temps anciens”. Elle serait le retour à la Mère Primordiale, matrice de toutes les régénérations et de toutes les renaissances. Nombreux sont d’ailleurs, les termes qui fondent cette interprétation matricielle de l’Utopie et tout particulièrement le thème de l’île et de l’eau. »[Extrait de l’article]


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PSYCHANALYSE N° 7

La clinique psychanalytique contemporaine

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septembre 2006

THÉORIE

La sexion clinique. Érik Porge

Une pratique de bavardage.Talking cure. Par ces mots Bertha Pappenheim, alias Anna O., désigna dans les Évs 1880 cette nouvelle méthode de traitement, initiée par J. Breuer et qui allait prendre grâce à Freud le nom de psychanalyse. Quelque cent ans plus tard, en 1977, nous entendons Lacan au début de son séminaire Le moment de conclure dire que la psychanalyse est une “pratique de bavardage”. Le rapprochement de ces deux énonciations est d’autant plus saisissant que tant d’événements de tous ordres se sont passés entre-temps.

La simplicité, voire la trivialité, du propos de Lacan, à la fin d’un enseignement si fécond, ne laisse pas de surprendre. C’est de l’écart et du recoupement de ces dires que je pars pour interroger ce qu’il en est de la clinique psychanalytique et de sa transmission

La possibilité d’une psychanalyse ? La solution Houellebecq. Marie-Jean Sauret

La lecture de La possibilité d’une île m’a à la fois retenu et laissé perplexe : retenu parce que l’auteur y analyse avec précision la subjectivité de notre époque et extrapole son destin ; laissé perplexe devant les conséquences qu’en déduit l’auteur sur le lien social présent et à venir. La volonté d’éclairer cette impression complexe est à l’origine de cet article : on n’y trouvera donc pas une critique exhaustive de l’ouvrage.

Le mouvement « queer » : des sexualités mutantes ? Pascale Macary-Garipuy

Si le post-modernisme est un signifiant à manier avec précaution, pour ce qu’il en est du mouvement queer, il s’impose, tant le sujet qu’il met en scène se trouve sans l’appui de l’Autre et orphelin de toute transmission. Le discours de la science, le capitalisme, les systèmes de représentativités démocratiques du Nord promeuvent l’individu au détriment du sujet, qui se trouve emporté vers des terres inconnues quant aux modes de consommation, de sexualité, de rapport à l’autre. Le corps, ses représentations, son usage – y compris dans les transformations qui lui sont imposées – est bien sûr central dans cette mutation puisqu’il est le lieu de la jouissance : deux thématiques à la fois centrales et problématiques des théories queers.

Le mouvement queer, mouvement parce qu’il s’enracine, en ses formes savantes, dans la littérature et sa critique, l’esthétique, la philosophie, la sociologie, l’anthropologie, l’histoire, se situe dans cette translation qui va d’une modernité dépassée vers des lendemains vertigineux. Le mouvement, la translation, la mutation sont des signifiants utilisés abondamment par les théoriciennes du queer, pour parler des sujets “queerisés”, faisant du même geste de ces sujets les incarnations paradigmatiques de ce monde sans garantie d’aucun Autre.

Du délire dans les Bacchantes d’Euripide. Geneviève Morel

Du délire dans Les Bacchantes d’Euripide .Rappelons-le en ces temps contemporains où les religions, dit-on, marquent des points : pour Freud, la religion est apparentée au délire. Certes, il amène cette thèse à propos du monothéisme, et il la tempère en remarquant que tout délire, même psychotique, a un noyau de vérité. Cependant, son affirmation, dont il faut rappeler la force, concerne en fait le caractère délirant de toute croyance religieuse, en tant que la conviction qu’elle recèle nécessairement plonge ses racines dans l’infantile. Elle s’étend aussi de ce fait – mais c’est un tout autre problème -, à la conviction obtenue à partir des constructions dans l’analyse.

La radicalité de cette affirmation freudienne revient en mémoire lorsqu’on lit Les Bacchantes d’Euripide […]

Lettre à Geneviève Morel. Jean Bollack

La non-reconnaissance par Penthée est essentielle à la pièce. Ce n’est pas une faute qui explique un “châtiment”. Il meurt pour la gloire de Dionysos.

Le double : dramatiquement, le dieu se travestit pour pénétrer en homme dans le domaine humain. Il n’est pas un double divin. Il se dédouble dramatiquement, comme le lui permettent ses ressources illimitées. 

L’ASSOCIATION

La psychanalyse au Japon. Entretien avec Kosuke Tsuiki

Psychanalyse : Quand et comment l’œuvre de Freud a-t-elle été introduite au Japon ?

Kosuke Tsuiki : Avant de répondre à vos questions, je vous remercie d’abord pour m’avoir fourni cette occasion, je dirais ravissante, de faire une contribution à votre revue toujours savoureuse. Roland Barthes distingue quelque part deux types de question. Question tragique : que suis-je ? Question comique : suis-je ?…

LA PASSE

L’expérience de la passe. Pierre Bruno

Il y a la cure. On s’imagine savoir ce que c’est. Quelqu’un est allongé. Quelqu’un est assis derrière. Je considère qu’une psychanalyse a commencé quand Freud a renoncé à imposer ses mains sur la tête du patient ou de la patiente pour l’aider à se souvenir. “Imposer”, voilà le mot-clé. La psychanalyse renonce à imposer. C’est pourquoi j’ai choisi comme exergue ce vers de François Villon : “Puissant je suis sans force et sans pouvoir.” La seule qualité qu’on puisse exiger d’un(e) psychanalyste est qu’il consente à être réduit, à la fin de la cure, à “un signifiant quelconque” après avoir été, à son début, sorti de l’anonymat et élu comme nom propre. Untergang (déclin, chute, disparition) du psychanalyste comme réalisation d’une psychanalyse.

Il y a la passe. La passe de Freud est d’avoir banni l’imposition des mains sur la tête du patient, qu’on appelle aussi “passe” dans ma langue et qui est le contraire de la passe inventée par Lacan en 1967. Celle-ci est une expérience, distincte de la cure. Sa condition : celui ou celle qui s’y engage doit être analysant(e) ; la passe n’a de sens qu’à questionner l’expérience de la cure. La passe est un dérangement (au sens où on parle de perturbation d’une ligne téléphonique ou d’interruption d’une tâche en cours) de la cure.

La cheville ouvrière de la passe. Fabienne Guillen

Au moment de me mettre au pied du mur d’essayer de dire quelque chose de cette expérience de passeur que je viens de vivre pendant à peu près trois ans à l’APJL, c’est spontanément cette expression qui m’est venue en tête. Petite pièce située entre le passant et le cartel de la passe, je n’ai pas trouvé d’autre expression pour faire résonner le sentiment de responsabilité, le caractère laborieux de cette tâche en double aveugle, la solitude et le vide que rencontre le passeur dans sa fonction dus à l’absence de toute référence théorique et identificatoire. J’ai été amenée par le sort à écouter cinq passes et à devoir en témoigner devant le cartel de la passe. J’avais pourtant en 1992 participé au dispositif de la passe au sein de l’ECF en tant que passante, mais, malgré l’importance cruciale et inoubliable que cette expérience avait eu dans mon parcours analytique, cela ne m’avait pas permis de saisir comme j’ai pu le faire dans cette récente replongée dans ce dispositif complexe le caractère singulier de cette invention de Lacan pour tenter de nouer intention et extension, c’est-à-dire faire passer de l’individuel au collectif ce savoir acquis d’une psychanalyse, savoir dont Lacan soulignait lui-même qu’on ne peut pas s’entretenir. Il me semble que le tour de force qu’a opéré Lacan dans cette invention est d’avoir conservé dans ce passage au collectif l’essence même qui fait le nerf de la psychanalyse d’être une expérience de parole qui, venant forcément chatouiller la vérité, permet toujours quelque subversion du savoir déjà là et laisse ses chances aux surprises. Le travail du passeur se scande en trois moments :

–l’écoute du passant ;

–la construction du témoignage ;

–la transmission de ce témoignage au cartel de la passe.

Clinique de la passe. Elisabeth Rigal

Pourquoi un tel titre ? La passe porte l’inscription de moments douloureux pour les mouvements psychanalytiques. La réflexion de Lacan “c’est un échec” et les crises répétées peuvent induire que nous sommes au chevet d’une grande malade. Point de butée pour la psychanalyse ?

Je vais vous proposer deux postulats que je vais essayer d’articuler de façon clinique en liaison avec ma cure, l’expérience de la passe et du cartel de la passe.

Une clinique de la passe pourrait être une tentative de dégagement de l’échec, du risque d’échec. Avec un point de visée : une politique de la passe pour se dégager d’une passe politique dont nous savons les désastres. C’est me semble-t-il une condition pour qu’un savoir puisse s’élaborer à partir des passes. Savoir qui relèverait alors plus de l’invention que du dogme, du discours analytique plus que de l’universitaire. Tentative à renouveler encore et encore.

Le second postulat est de mettre au centre de la réflexion une question : qu’est ce qui fait décision pour l’analysant, les passeurs, le cartel de la passe ? Poser cette question également côté passeur peut paraître incongru, mais elle se fonde sur le fait qu’une passe n’est pas portée de la même façon par les deux passeurs : un, fait que ça passe, passe avec, pas les deux : c’est un fait d’expérience, mais est-ce une loi ? Je ne sais pas. De toutes façons, c’est une question de rencontre (ça s’est passé) et d’entrée ou pas dans le discours analytique à partir de cette passe-là.

INÉDIT

Note au lecteur.

En 1957, à Paris comme correspondant d’un journal colombien, Gabriel Garcia Marquez écrivit Pas de lettre pour le colonel. La situation de violence que le pays vivait à cette époque détermina la suspension temporaire du journal. L’écrivain attendait avec impatience, jour après jour, l’envoi de son salaire. Cette situation et celle de son grand-père, un vieux militaire qui avait participé aux guerres… 

Lettre au Colonel à qui personne n’écrit. Entre le journal et les comptes de l’Autre. Mario Bernardo Figeroa Muñoz

Bogota, le 5 novembre 1999

Cher colonel :

M’adresser à vous est sûrement une audace de ma part. Je me suis arrogé ce droit parce que j’ai fini par admettre, qu’au bout de ce temps long, si long que ce “… pas de lettre” est presque devenu votre nom. Mais, ne trouvant pas d’autre façon de donner libre cours aux inquiétudes qui m’envahissent au sujet des difficultés que traverse notre société colombienne et ma tentative de découvrir quelques lumières dans la littérature, dans les lettres colombiennes je me vois contraint de vous écrire cette lettre.

Là, mon colonel, votre histoire occupe une place importante, étrange de surcroît, car la façon dont vous y avez pris place fut celle d’une absence… celle de l’écrit qui manque, qui n’arrive pas, celle de l’attente infinie qui empêcha, l’un de ces innombrables vendredis, l’arrivée dans votre village de la correspondance si désirée. 

FREUD

Visite à Freud. Robert de Traz

Notre éminent correspondant et collaborateur, M. Robert de Traz, directeur de la Revue de Genève, a bien voulu nous envoyer le récit de la visite qu’il vient de faire au professeur Freud, à Vienne, et dont nous n’avons pas besoin de souligner tout l’intérêt.

Le professeur Sigismond Freud habite, à Vienne, au bout d’une rue en pente, dans un appartement simple d’aspect, où il vous reçoit rapidement, entre deux consultations. Le plus simple, pour bien l’interroger, serait de prétexter une névrose : en faisant “psychanalyser”, à l’instar des Anglais et des Américains, qui y recourent en masse, on apprendrait beaucoup de choses sur le freudisme. Mais trop honnête pour simuler un trouble que je n’aurais d’ailleurs pas avoué, j’eus avec lui un entretien court et gai.

Car cet homme qu’on imaginerait, d’après certains de ses commentateurs, bizarre et prophétique, témoigne au contraire d’une charmante bonhomie.


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PSYCHANALYSE N°6

Psychose et perversion

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mai 2006

THÉORIE

Le transfert érotomaniaque. Dimitris Sakellariou 

De plus en plus de sujets psychotiques fréquentent les psychanalystes. C’est un fait notable par les temps qui courent, alors que la psychanalyse est publiquement mise en cause par tout un courant positiviste hétéroclite, qui, au nom de la science et des méthodes statistiques d’évaluation, remet en cause la validité scientifique et l’efficacité du dispositif freudien de la cure psychanalytique. Des…

Wilson, le surmoi. Michel Lapeyre 

Pour la énième fois, j’ai relu Le président Wilson, de Freud et Bullitt. Le président Wilson (la personne et l’ouvrage du même nom) est une chose, une affaire, curieuse et bizarre. D’une part donc le personnage, qui semble jouir d’une réputation sinon d’une renommée plutôt flatteuse, parfois élogieuse, du moins à en croire certains avis autorisés, du journaliste à l’historien et au politologue : un…

La passe. Lien et détachement. Patricia León-Lopez 

Avec l’expérience de la passe, Lacan cherche à subvertir l’institution en ouvrant un horizon nouveau pour la psychanalyse. Un autre repérage pour rendre compte du désir de l’analyste, de ce passage de l’analysant à l’analyste s’introduit et sans doute produit des effets, au point qu’aujourd’hui il y a tout un débat autour du statut donné à la passe, avec les questions qu’elle soulève. Le recrutement…

La (dé)mission perverse. Pierre Bruno 

D’un article précédent, dont celui-ci peut passer pour la suite, je retiendrai une assertion : la perversion vise une jouissance sans libido, et une question : quel(le) partenaire veut le pervers ? Pour l’assertion, sans chercher ici à répéter ce qui, à mes yeux, la fonde, il me semble pouvoir en confirmer la justesse en faisant état du fait que la perversion est incompréhensible, strictement, au névrosé,…

L’ASSOCIATION

Entretien : Questions à “ l’Articulation ”

Lors du symposium national « Psychanalyse et psychothérapie dans le champ de la santé mentale » qui s’est tenu à Rio du 31 août au 3 septembre 2005, sont intervenus plusieurs membres de l’« Articulation des associations de psychanalyse du Brésil ». L’Articulação das Entidades Psicanalíticas Brasileiras est une initiative qui réunit des analystes d’associations différentes (et qui n’en sont pas les…

LA PASSE

Une mémoire en cadeau. Laure Thibaudeau

La passe, en tant que moment, est une nécessité du processus analytique. Encore le sujet doit-il y consentir. Parce qu’il peut décider de rester du côté de son aliénation à l’Autre. Cela bien sûr ne sera pas sans conséquences pour son analyse. Quand on demande à entrer dans la procédure de la passe, il me semble que c’est aussi en réponse à une nécessité. Mais, pour autant, cette nécessité ne fait pas…

Entre dedans et dehors. Martine Noël

Je viens d’être nommée analyste de l’École. Cela m’a surprise et émue. Qu’un point de vide soit reconnu comme essentiel est tellement à l’opposé des reconnaissances sociales, universitaires habituelles. Cette nomination n’a pas changé ma vie, ma relation avec les autres ; alors que la passe oui. En revanche, elle a permis que je sois là, devant vous, ce qui n’est pas rien. Je vais donc essayer de vous…

Il court, il court le furet. Marie Martin

Je viens d’être nommée analyste de l’École. Cela m’a surprise et émue. Qu’un point de vide soit reconnu comme essentiel est tellement à l’opposé des reconnaissances sociales, universitaires habituelles. Cette nomination n’a pas changé ma vie, ma relation avec les autres ; alors que la passe oui. En revanche, elle a permis que je sois là, devant vous, ce qui n’est pas rien. Je vais donc essayer de vous…

MICHEL HERRERIA .“ CARTES A GRATTER ”
L’ESSAI

Freud et Wittgenstein. Brian McGuinness

Les remarques de Wittgenstein sur Freud ne constituent pas une critique raisonnée ou systématique de la psychanalyse. Leur origine suffit à expliquer cela. Elles apparaissent au cours de notes prises par Rhees lors d’entretiens, ou bien sont dispersées au fil des propres carnets de Wittgenstein à des endroits où il parle de quelque sujet général – comme le symbolisme, le mythe ou la science – ayant…


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PSYCHANALYSE N° 5

La perversion

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janvier 2006

THÉORIE

L’arrangement (sur la perversion). Pierre Bruno

Dans le champ du savoir psychanalytique orienté par Freud et Lacan, l’existence d’une « forme qui assujettit » (J. Lacan, 1967, dans Autres écrits, Paris, Le Seuil, 2001, p. 366) spécifique de la perversion, distincte donc de la névrose et de la psychose, est une thèse qui n’a jamais été mise en cause. Il faut prendre la mesure de l’écart existant entre cette conception et celle vulgarisée à la fin…

Le mensonge et le mal. Diana Rabinovich

Lacan a fait une lecture non imaginaire du mal. Une lecture formelle, symbolique et réelle du mal, ce qui l’a conduit à accentuer la dimension de satisfaction du sujet qu’il a appelé jouissance, celle à qui le mal est intrinsèquement lié. Cette lecture est inséparable d’une nouvelle économie que Lacan a proposée, articulée avec le désir de l’Autre, cet Autre qui méconnaît que le sujet est un être désirant…

Eugénie Lemoine-Luccioni. Claire Harmand 

Psychanalyste, élève de Jacques Lacan, membre de l’École de la cause freudienne, auteur de nombreux livres, Eugénie Lemoine-Luccioni s’est éteinte le 22 juillet à l’âge de 92 ans.La psychanalyse, nous disait-elle, c’est la rencontre analytique, c’est un « travail d’amour » avec un analyste qui a le solide désir de mener la cure à son terme. Voilà ce qui fondait avec vivacité sa pratique analytique,… 

L’ASSOCIATION

L’entretien. Roland Gori 

Psychanalyse : Nous connaissons vos engagements universitaires en faveur de la psychanalyse, moins les étapes décisives de votre parcours personnel en relation aux associations de psychanalyse. Roland Gori : Mes engagements personnels m’inscrivent d’une manière sans doute singulière dans le champ des institutions analytiques. Mais peut-il en être autrement dans un parcours analytique ? J’ai commencé…

LE CAS

L’anorexie mentale : symptôme ou acting-out ? Fabienne Guillen

Si quelqu’un peut nous donner l’idée de ce qu’est l’embarras du corps chez l’être affligé de la parole, c’est bien l’anorexique qui pousse cet embarras, forme légère de l’angoisse, nous dit Lacan dans son séminaire X, jusqu’à la limite la plus insoutenable, l’évocation comme par transparence du cadavre dans son propre corps. Ce procès décidé de néantisation de sa chair auquel elle se livre sous le…

L’ESSAI

Découpages du Tractatus. Sylviane Agacinski

Traitant du langage (et) de la représentation, le Tractatus ne souscrit pas au départ philosophique. Il s’ouvre sur un autre partage. Le langage ici, tout langage – et non tel ou tel système de signes – est dit fonctionner comme représentation. Par exemple : « Toute proposition est une image (Bild). » C’est ce qu’on a appelé la picture theory ou, en français, la théorie du « langage-tableau ». Comme…

LA PASSE

Passe et nomination

Le « mystère » de la cure tient à la gravitation transférentielle. La fin, en principe, le dissipe, une fois que l’analysant à traversé la dépression induite par la rencontre avec la contingence dudit transfert. C’est ce moment que Lacan a formalisé sous le nom de passe et dont il a inventé la procédure – qui permet son authentification. Il serait donc incongru, puisque la passe est un recours au…

Correspondance

La correspondance entre les deux poètes russes Marina Tsvetaeva et Boris Pasternak était connue jusqu’à présent de manière partielle et fragmentaire grâce au livre paru aux éditions Gallimard en 1983 : Rilke, Pasternak, Tsvetaeva, Correspondance à trois (été 1926) et aux Quinze lettres à Boris Pasternak, parues aux éditions Clémence Hiver en 1991.Or les éditions des Syrtes viennent de publier la traduction…


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